(OTTAWA) Si plusieurs voix se sont fait entendre pour réclamer la démission d’Andrew Scheer dans la foulée de la défaite du Parti conservateur aux élections du 21 octobre, la réunion du caucus conservateur qui doit avoir lieu mercredi à Ottawa ne devrait pas se transformer en rébellion des troupes contre leur leader.

Car même si les députés élus ont maintenant le pouvoir de réclamer le départ de leur chef, si au moins 20 % d’entre eux en font la demande et exigent la tenue d’un vote au caucus sur cette question en vertu d’une réforme parlementaire adoptée en 2015, aucun mouvement de contestation bien organisé qui pourrait forcer la main du chef conservateur ne semble avoir pris naissance.

En contrepartie, des députés exigeront de leur chef des explications claires sur les ratés de la campagne, des changements dans son entourage et des précisions sur les positions personnelles de M. Scheer concernant les enjeux d’ordre moral pour passer l’éponge.

Comme le prévoit la constitution du Parti conservateur après une défaite électorale, M. Scheer doit soumettre son leadership à un vote de confiance au prochain congrès national du parti, qui aura lieu en avril à Toronto. Les militants conservateurs devraient donc avoir le dernier mot sur l’avenir du chef.

Tel est du moins le sentiment qui prévaut au sein des troupes conservatrices alors que M. Scheer doit rencontrer le caucus pour la première fois mercredi depuis le scrutin du 21 octobre, qui a vu les libéraux de Justin Trudeau être reportés au pouvoir, mais à la tête d’un gouvernement minoritaire. Les conservateurs ont cru jusqu’au dernier week-end avant la tenue des élections qu’une victoire était possible.

« Il n’y a pas de rébellion en vue au caucus », a laissé tomber hier une source conservatrice, qui a requis l’anonymat afin de s’exprimer plus librement à ce sujet.

Une autre source a toutefois affirmé que la grogne envers le chef est « palpable » en Ontario, où les conservateurs n’ont remporté que 37 sièges, de même qu’au Québec, où le Parti conservateur a perdu 2 des 12 sièges qu’il détenait.

Ça va prendre des changements importants dans son entourage. C’est incontournable.

Une source conservatrice ayant requis l’anonymat, à propos d’Andrew Scheer

Dans le tourbillon de réactions qui a suivi la défaite électorale, celle qui pourrait être déterminante pourrait venir du caucus conservateur du Québec. Si les députés réélus offrent un appui timide à leur chef mercredi, cela pourrait être le signal qu’ils ne croient pas que leur chef puisse réhabiliter son image dans la province à la suite de ses déclarations louvoyantes sur l’avortement et le mariage gai.

Caucus sénatorial conservateur

Une autre rencontre, celle des sénateurs conservateurs, qui a lieu mardi, est aussi digne de mention. Car on y choisira alors un successeur à Larry Smith, qui a décidé de céder sa place comme leader de l’opposition.

Sur les blocs de départ figurent David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador, et Don Plett, du Manitoba. Ce dernier a fait l’objet de critiques lors de la dernière législature en raison des manœuvres dilatoires auxquelles il avait recours pour ralentir les travaux.

Peu importe qui héritera des rênes de l’opposition officielle, la dynamique est appelée à changer alors qu’on se retrouve en situation minoritaire. Car « les projets de loi qui vont sortir de la Chambre des communes seront moins partisans », a indiqué un sénateur conservateur.

Un nouveau groupe sénatorial

L’opposition officielle à la chambre haute a perdu deux membres, lundi, au profit d’un nouveau groupe sénatorial. Les sénateurs Vernon White (Ontario) et Scott Tannas (Alberta) sont passés au Groupe des sénateurs canadiens (GSC).

La leader intérimaire est une sénatrice québécoise : Josée Verner. « Ce n’est pas un geste d’attaque contre quelque groupe que ce soit », a lancé en entrevue avec La Presse cette ancienne ministre conservatrice.

Qu’on le veuille ou non, le Sénat offre maintenant la création de groupes qui ne sont pas affiliés aux formations politiques.

La sénatrice Josée Verner

Le groupe de sénateurs le plus nombreux demeure celui des indépendants (GSI) : ils sont 49 à siéger à la Chambre haute.

Les conservateurs forment l’opposition officielle avec 26 membres. Plusieurs d’entre eux ont reproché à Justin Trudeau d’avoir dénaturé le système de Westminster en évacuant la partisanerie de l’enceinte.

L’actuel leader de l’opposition conservatrice au Sénat, Larry Smith, a semblé mal digérer l’entrée en scène du GSC. Car « le Canada serait mal servi par l’effritement du rôle de l’opposition officielle dans la salle du Sénat », a-t-il déclaré dans un communiqué.

Avant d’être premier ministre, alors qu’il était chef de l’opposition libérale en Chambre, Justin Trudeau avait exclu les sénateurs libéraux du caucus national du parti. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, il a implanté un nouveau processus de nomination pour désigner des sénateurs indépendants.