(Québec) Le gouvernement caquiste a carrément menti concernant une entente avec le géant de l’aluminium Rio Tinto, accuse l’opposition officielle libérale.

Le premier ministre François Legault reproche au précédent gouvernement Couillard d’avoir revu à la baisse les exigences d’investissement conclues avec la compagnie pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais la députée libérale Dominique Anglade a démenti cette information. Le gouvernement maintient toutefois ses affirmations.

« C’est faux »

Selon le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, le gouvernement Couillard a accepté en 2018 d’assouplir l’accord de 2007 : ainsi, plutôt que de devoir investir 2 milliards d’ici à 2021, l’entente a été revue à la baisse, soit d’investir 700 millions d’ici à 2025.

« C’est faux de prétendre qu’il y a eu des diminutions dans les investissements qui avaient été consentis initialement », a-t-elle déclaré dans une entrevue avec La Presse canadienne, mercredi.

« Ce sont deux milliards de dollars, voire plus, qui ont été renégociés, sur une période plus longue, pour garantir le maintien des emplois dans toute la région, a poursuivi celle qui était ministre libérale de l’Économie. On ne fera pas dire à l’entente quelque chose qui n’existe pas dans l’entente. »

La prolongation de l’entente jusqu’en 2025 a été négociée pour s’assurer que l’entreprise atteigne le montant ou même le dépasse, a expliqué Mme Anglade.

En Chambre, François Legault a même déclaré qu’« on avait une entente qui les forçait à construire, malheureusement, les libéraux ont annulé, ont déchiré cette entente-là pour faire plaisir à l’entreprise ».

« C’est n’importe quoi, ce n’est pas vrai », s’est défendue Mme Anglade, qui est députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Report de deux projets

Cette controverse survient après l’annonce par Rio Tinto du report de deux projets industriels importants qui étaient attendus au Saguenay-Lac-Saint-Jean, d’une valeur estimée à 300 millions.

Or peu avant, François Legault avait eu ce qu’il avait qualifié de « bonne rencontre » avec les dirigeants de Rio Tinto.

« C’est un manque de rigueur, une approche brouillonne, il ne savait même pas que ces projets-là allaient être mis sur la glace : il aurait fallu qu’il demande où en sont ces projets », a dénoncé la députée libérale.

Table de concertation

Elle effectuait une tournée mercredi dans la région pour rencontrer les acteurs dans ce dossier, les élus, syndicats, etc. Mme Anglade a mis au défi le premier ministre de lui indiquer combien de fois il a rencontré les dirigeants de Rio Tinto pour faire le suivi des projets.

La députée libérale réclame un geste rapide du gouvernement Legault : la mise sur pied d’une table avec les élus, les travailleurs, l’université, les experts, tous les acteurs locaux.

La mairesse de Saguenay, Josée Néron, a lancé un appel pour mettre sur pied un « war room », a indiqué Mme Anglade, qui soutient pour sa part que le gouvernement doit prendre ses responsabilités et réunir les acteurs, afin de convenir des actions à poser.

Réaction du gouvernement

Le gouvernement Legault persiste quant à lui : « Dominique Anglade critique le gouvernement pour une décision qui découle d’une entente qu’elle a elle-même signée en privant le ministre de l’Économie de leviers importants pour intervenir auprès de l’entreprise », a répondu l’attaché de presse du ministre Pierre Fitzgibbon, Mathieu St-Amand, dans un courriel transmis à La Presse canadienne.

Il a évoqué que l’entente de 2007 comportait des cibles contraignantes d’investissement, qui devaient être atteintes dans « l’ajout de capacité de production primaire », d’ici 2021, à défaut de quoi des pénalités étaient imposées à l’entreprise sur le remboursement d’un prêt.

M. St-Amand indique que l’entente a été modifiée en 2018, pour « privilégier une approche visant des cibles moins contraignantes, rendre plus de dépenses de l’entreprise admissibles à l’atteinte des cibles, pour des investissements qui restent à faire de 710 millions », à réaliser d’ici à 2025, assorties d’assouplissements sur le calcul des pénalités imposées en cas de défaut.

« C’est donc très exact de dire que l’entente signée par Dominique Anglade a facilité la décision de l’entreprise de reporter, voire d’annuler, ces investissements », a conclu l’attaché de presse.