(Ottawa) Les contribuables verseront au moins 1,6 million en indemnités de départ aux députés fédéraux qui ont décidé de ne pas se représenter aux prochaines élections cet automne — et des millions de plus seront ensuite versés aux députés défaits.

Trente-neuf députés ont déjà indiqué qu’ils ne se représenteraient pas aux prochaines élections. De ce nombre, 18 ont droit à des indemnités de départ d’une valeur totale estimée à 1 618 850 $, selon une analyse conduite par La Presse canadienne.

Les députés en poste qui ont siégé pendant moins de six ans ne sont pas admissibles au régime de pensions et reçoivent une indemnité de départ forfaitaire équivalant à la moitié de leur salaire annuel. Ils récupèrent également les cotisations de retraite qu’ils ont déjà versées au régime, plus les intérêts.

Les députés qui ont siégé pendant plus de six ans à Ottawa mais qui ont moins de 55 ans — et qui ne sont donc pas immédiatement admissibles à la pension — bénéficieront d’une retraite différée et pourront recevoir une indemnité de départ au même taux que celui de leurs collègues débutants.

Le salaire de base des députés fédéraux est actuellement de 178 900 $, ce qui signifie que la plupart des députés en exercice qui recevront une indemnité de départ toucheront 89 450 $. Certains députés occupant des fonctions parlementaires ont droit à plus d’argent: la députée libérale Pamela Goldsmith-Jones, par exemple, est secrétaire parlementaire et devrait recevoir environ 9000 $ de plus lorsqu’elle partira en octobre.

L’enveloppe totale de 1,6 million ne prend pas en compte trois députés indépendants — les anciens libéraux Hunter Tootoo, Darshan Kang et Raj Grewal —, qui n’ont pas encore annoncé leurs intentions. S’ils ne se présentent pas en octobre, ils recevront 89 450 $, ce qui portera l’enveloppe totale, avant le scrutin, à près de 2 millions.

Première vague

Et ce n’est que le début: l’enveloppe totale devrait monter en flèche après les élections, lorsque les députés défaits qui ne sont pas admissibles à la pension recevront également des indemnités du Parlement.

Par ailleurs, un ministre défait «coûte plus cher» qu’un député d’arrière-ban. Le cabinet libéral compte 24 ministres qui sont des députés novices, et qui auront donc droit à une indemnité de licenciement de 132 200 $ s’ils sont battus en octobre.

Après le scrutin de 2015, la Fédération canadienne des contribuables estimait qu’un total de 11 millions en indemnités de départ avaient été versés aux députés retraités ou défaits.

Aaron Wudrick, directeur général de l’organisme, met d’ailleurs en doute la pertinence de ces indemnités de départ, car être député équivaut moins à un emploi régulier, selon lui, qu’à un contrat à durée déterminée. Étant donné que les députés connaissent les règles du jeu et que la notion même d’insécurité d’emploi fait partie des risques du métier, il serait peut-être raisonnable, selon M. Wudrick, de supprimer au moins une partie de cette indemnité de départ. «Il y a des façons de planifier la vie après Ottawa», estime-t-il.

Et pour attirer des candidats dans ce métier exigeant, M. Wudrick suggère plutôt d’offrir de meilleures conditions de travail, non monétaires, comme l’élimination des séances du vendredi aux Communes, pour alléger les trajets du député vers sa circonscription.

Duff Conacher, de l’organisme Démocratie en surveillance, croit que les Communes devraient soumettre l’ensemble des mesures de compensation à une commission indépendante, qui déterminerait les indemnités de départ des députés en les comparant à des emplois similaires. Il suggère aussi des indemnités modulées: un ministre, qui est plus susceptible de pouvoir trouver un travail lucratif après la politique, pourrait par exemple recevoir moins, pas plus, soutient M. Conacher.