Huit mois après les élections générales, François Legault et son gouvernement atteignent des niveaux inégalés de popularité. Un sondage Forum Research fait pour La Presse montre que la Coalition avenir Québec (CAQ) aurait récolté 46 % des intentions de vote si des élections générales avaient eu lieu mercredi dernier.

Et il faut décortiquer ce chiffre pour en saisir toute l’étonnante portée. Lors du lancement de la CAQ, fin 2011, le nouveau parti avait connu des heures fastes dans l’opinion publique, comme c’est souvent le cas pour un parti ou un candidat qui n’a pas eu encore le temps de décevoir une partie des électeurs. Or, à cette époque, la CAQ obtenait 39 % des intentions de vote dans les sondages CROP et 37 % dans les enquêtes de Léger.

Ce taux de 46 % observé le 12 juin n’a très probablement pas diminué avec les bâillons de la fin de semaine à l’Assemblée nationale. Le plus significatif reste qu’après huit mois aux commandes, le gouvernement a amélioré de près de 10 points son score du 1er octobre (37 %). Bien sûr, on peut toujours s’interroger sur le modus operandi : 1471 personnes ont accepté de répondre à un appel robotisé, ce qui donne une marge d’erreur de plus ou moins 2,55 %, 19 fois sur 20, sur l’ensemble de l’échantillon. Cette marge d’erreur augmente lorsqu’on considère une partie seulement de l’échantillon, par strate d’âge ou par région. Les résultats obtenus par la firme ont été pondérés pour refléter fidèlement l’ensemble de la population.

Mais avec une autre méthode, celle des « panels web » avec des répondants volontaires par internet, Léger observait exactement la même chose. Dans une enquête récente, commanditée par la CAQ, Léger arrivait au même score de 46 % dans les intentions de vote à la mi-mai. Quand le médecin nous fait un tel bilan de santé, on a tendance à rouler des mécaniques. Ou, comme Simon Jolin-Barrette, à faire son jogging quand l’Assemblée nationale discute de votre projet de loi controversé. L’arrogance est peut-être la principale menace pour le gouvernement de la CAQ, une maladie qui se soigne plus facilement que le désamour des électeurs.

Il n’y a pas foule sur l’Everest des sondages. En 1971, Robert Bourassa s’était fait élire avec 54 % des votes. Il avait récolté 56 % des suffrages en 1985. On pense que René Lévesque était porté par une vague populaire en 1976, mais il n’avait gagné qu’avec 41 % des voix. Il avait fait mieux en 1981 avec 49 % des électeurs – le regretté Robert Bourassa, sourire en coin, aimait d’ailleurs rappeler que jamais le Parti québécois (PQ) n’avait franchi la barre des 50 %. En 2003, Jean Charest avait été élu avec 46 % des suffrages.

Mais la réalité, toutefois, est différente. Le parti de François Legault doit composer avec trois autres partis qui ont droit de cité, qui ne sont pas marginaux. À l’époque des confrontations PQ-PLQ, l’Union nationale ou l’Action démocratique pesaient bien moins lourd le soir du scrutin – hormis aux élections de 2007, qui avaient propulsé Mario Dumont sur le siège du chef de l’opposition.

Au chapitre des intentions de vote, la semaine dernière, Québec solidaire aurait peut-être formé l’opposition officielle avec 19 % des suffrages, contre 16 % au Parti libéral (PLQ) et 13 % au PQ. Miroir déformant, bien sûr, puisque le PLQ et le PQ sont dirigés par des chefs intérimaires.

Par région, on constate que la CAQ récolte 54 % des intentions de vote à Québec. Dans la grande région de Montréal, ce qui inclut la couronne nord et la Rive-Sud, la CAQ obtient 40 % des votes, dominant le PLQ (23 %) et le PQ (un famélique 14 %). Québec solidaire est deuxième à Montréal avec 18 % des intentions de vote. Le sondage Léger réalisé pour la CAQ voyait le parti de François Legault moins fort dans la région métropolitaine, à 36 %, au coude à coude avec les libéraux, à 34 %. Dans les deux enquêtes, les résultats masquent une réalité bien connue : la CAQ fait le plein d’appuis dans les couronnes nord et sud de la métropole, alors que dans l’île, ce sont les libéraux qui dominent.

La Coalition avenir Québec obtient ses meilleurs scores avec les électeurs de plus de 45 ans, et atteint 57 % d’appuis pour les 55-64 ans, une strate où elle domine clairement les autres formations politiques. Encore là, à quelques points près, on retrouve les constats de Léger. Une différence notable, toutefois, à l’autre bout du spectre : Québec solidaire fait le plein avec 43 % d’appuis chez les 18-34 ans, alors que Léger en accordait 27 % seulement.

Mais le sondage de Forum Research donne un résultat qu’on ne trouve pas ailleurs. « La majorité des Québécois approuvent le travail que fait François Legault », un mélange de la question traditionnelle sur la satisfaction à l’égard du gouvernement et de la perception du chef du parti, dont le nom se retrouve dans la formulation de la question. Ici, tout est au vert : 61 % des gens disent « approuver le travail » du gouvernement et de son chef. Entre deux élections, Robert Bourassa, encore lui, ne se préoccupait guère des intentions de vote dans les sondages. En revanche, il portait une attention bien plus importante à la mesure de la satisfaction à l’égard de son gouvernement. Pour le moment, François Legault n’a pas à s’inquiéter.