(Québec) Au tour de l’ex-chef du Parti québécois (PQ), Jean-François Lisée, de condamner la conversion de son ancien collègue Réjean Hébert au Parti libéral du Canada (PLC).

La Presse canadienne a mis la main sur le plus récent balado de M. Lisée avant sa publication dimanche : il joint sa voix à celles de nombreux élus souverainistes qui ont désavoué le transfuge.

M. Lisée a siégé au conseil des ministres avec Réjean Hébert, qui était titulaire du portefeuille de la Santé dans le gouvernement de Pauline Marois, de 2012 à 2014.

La semaine dernière, M. Hébert a fait savoir qu’il avait été approché par le PLC et qu’il songe à se présenter sous cette bannière aux élections fédérales de l’automne prochain. Les exemples d’un ancien ministre indépendantiste qui passe chez les libéraux fédéraux sont plutôt rares, puisque ce sont deux positions politiques aux antipodes.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

L'ancien chef du Parti québécois, Jean-François Lisée

Dans son commentaire éditorial, Jean-François Lisée laisse entendre que le chef libéral Justin Trudeau devrait se méfier de sa nouvelle recrue.

« Soit Trudeau a un mal fou à se trouver des candidats de valeur, soit il a mal mesuré son risque. »

Il rappelle que l’ancien premier ministre conservateur Brian Mulroney avait aussi recruté un converti, Lucien Bouchard, et il s’en est mordu les doigts quand ce dernier a fondé le Bloc québécois.

« Aucune profession de foi fédéraliste ne peut effacer la suspicion causée par les péchés séparatistes antérieurs, affirme M. Lisée. […] Il n’y a rien de pire, comme motivation, de se faire dire par une nouvelle recrue que la souveraineté n’est plus à l’ordre du jour, comme le fait Réjean Hébert. Car, si elle le redevient, à l’ordre du jour ? Les fédéraux ont déjà joué dans ce film-là, et ils ne veulent pas de remake. »

L’ancien chef péquiste poursuit en soutenant que les nombreuses déclarations et prises de position antérieures de M. Hébert viendront les hanter, lui et son nouveau parti.

Par exemple, le ministre péquiste adhérait à la Charte des valeurs du gouvernement Marois, à l’opposé de « l’idéologie trudeauiste », dans un enjeu, la laïcité, qui risque de rebondir durant la campagne électorale, fait valoir M. Lisée. Les nouveaux amis fédéraux pourraient exiger davantage de professions de foi.

« Lorsqu’on marche sur la peinture, on laisse des traces. Il ne suffit pas de renier ses convictions d’hier pour entrer dans les cercles du pouvoir libéral fédéral. La course à obstacles qu’entreprend maintenant Réjean Hébert est à haut risque. »

En outre, M. Lisée rappelle que son ancien collègue, du temps du gouvernement Marois, avait maintes fois dénoncé les empiétements du gouvernement fédéral dans le domaine de la Santé, un champ de compétence exclusif du Québec.

Or M. Hébert, qui prônait un virage vers les soins à domicile des personnes âgées sans avoir pu l’implanter au Québec faute de moyens, plaide maintenant pour l’imposition de ce modèle par le fédéral, a déploré Jean-François Lisée.

« Il indique comment il s’y prendrait […] en modifiant la méthode de financement fédéral de la santé, donc en obligeant le Québec et les autres de prioriser ce que lui, de son poste de ministre de la Santé du Canada, voudra qu’ils priorisent. Lui qui dénonçait, à Québec, les empiétements d’Ottawa dans la santé propose maintenant de faire passer ces empiétements à la vitesse supérieure. »

Là-dessus, la position M. Hébert est parfaitement compatible avec la tradition centralisatrice des libéraux fédéraux, conclut l’ancien chef péquiste.

La semaine dernière, autant le chef intérimaire péquiste Pascal Bérubé, que sa collègue Véronique Hivon et la députée bloquiste Monique Pauzé ont dénoncé le changement d’allégeance de M. Hébert.

Réjean Hébert est médecin gériatre. Il a été élu pour le Parti québécois dans la circonscription de Saint-François en 2012 et battu en 2014.

Il a déclaré qu’il n’était pas un politicien de carrière, mais un politicien de projet, précisément pour faire avancer le dossier des soins à domicile.