(Québec) Première session parlementaire complète, premier bilan de la performance des ministres. Neuf mois après les élections, François Legault n’envisage pas de remaniement de sitôt. Cette opération fait à coup sûr des malheureux, chez les déplacés d’abord, mais aussi chez les députés qui voient leurs espoirs de promotion déçus. À la fin de l’année scolaire, quelques cancres sont désormais en observation, mais tout le monde sera présent à la rentrée, en septembre.

Chez les ministres choisis en octobre dernier, personne ne présente un problème du même ordre que celui de MarieChantal Chassé, la ministre de l’Environnement mise sur la touche dès janvier, avant le début de la session parlementaire. On prévoyait déjà que l’opposition n’en ferait qu’une bouchée, on préféra l’amputation à une longue agonie.

Mais certains membres de l’équipe ministérielle sont manifestement en observation. C’est le cas de Nathalie Roy, ministre de la Culture, qui déclame ses réponses à l’Assemblée nationale comme dans un cours d’art dramatique.

Encore hier, son agressivité à l’endroit de la solidaire Catherine Dorion lui a joué un tour : la ministre avait qualifié de « méprisant » le ton de son adversaire ; elle a dû retirer ses propos. Mme Roy a déjà eu la tête de sa sous-ministre, Marie-Claude Champoux, puis celle de sa chef de cabinet, Manon Gauthier. Certains commencent à se demander si le problème n’est pas en haut de la pyramide.

L’équipe économique du gouvernement n’a pas failli à la tâche : Eric Girard, Pierre Fitzgibbon et Christian Dubé offrent une ligne défensive étanche. La rapidité des nouvelles, les transactions successives de Transat, du Groupe Maurice et de Velan ont forcé M. Fitzgibbon, à l’Économie, à montrer des aptitudes de gardien de but. Ici, c’est François Legault qui a fait le faux pas, un manque d’empathie. On peut être indifférent à la disparition d’emplois peu lucratifs, sauf quand ils nous permettent de gagner notre vie.

La surprise McCann

À la Santé, Danielle McCann est une surprise. Dans tous les sens. Personne n’avait été mis dans le secret quant à son annonce pour instaurer des primes au rendement pour les médecins généralistes. Un torrent de courriels réprobateurs s’est abattu sur le gouvernement Legault. Bien des électeurs approuvaient les intentions de la Coalition avenir Québec de réduire la rémunération des spécialistes ; le cadeau aux médecins de famille est perçu comme une fleur. Pour tenter de calmer la grogne, on a insisté sur des pénalités pour les médecins qui ne performent pas assez.

Le seul problème, c’est que ces représailles pour manque d’« assiduité » n’existent pas. Elles sont restées à l’état de menace dans la loi 20 de Gaétan Barrette.

Mme McCann a aussi surpris en obtenant des concessions historiques du Collège des médecins sur le rôle des infirmières praticiennes spécialisées. Surtout, elle a livré ce qu’on attendait d’elle : un réseau de la santé qui a retrouvé son confort, après les défis de Gaétan Barrette. Son ministre délégué, voisin de François Legault à Outremont, le Dr Lionel Carmant, a l’air d’un touriste égaré en politique. On s’inquiète chaque fois qu’il se lève en Chambre.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre de la Santé et des Services sociaux Danielle McCann

Certaines néophytes en politique ont sous-performé. Andrée Laforest, aux Affaires municipales, n’a pas le réseau nécessaire à cette fonction éminemment politique, importante pour la visibilité du gouvernement. Sylvie D’Amours, responsable des Affaires autochtones, provoque des sourires chez les mandarins, et des regrets chez François Legault. On avait pensé d’abord confier ce mandat à l’ex-policier Ian Lafrenière. Marie-Eve Proulx, déléguée à l’Économie, a eu ses frictions avec M. Fitzgibbon – son cabinet a dû être remanié en profondeur.

Le dossier des maternelles 4 ans de Jean-François Roberge semble aller dans tous les sens dans les médias, mais chez François Legault, la cote du ministre de l’Éducation demeure intacte. On sent que l’ancien enseignant peut mener d’une main sûre, et expérimentée, le dossier prioritaire du gouvernement.

Même chose pour un autre vétéran caquiste, François Bonnardel, ministre des Transports. Après 500 millions de dollars de fonds publics et 250 millions de subventions, la grogne dans l’industrie du taxi paraît calmée. Les traversiers rentrent à bon port souvent, dans le quai parfois, mais la série noire semble terminée. Reste le gigantesque et coûteux projet du troisième lien vers la Rive-Sud à Québec, honni par les environnementalistes, décrié par la Ville de Québec, mais réclamé par les stations de radio locales.

L’étoile Guilbault

Dans le public, Geneviève Guilbault, à la Sécurité publique, est une étoile du gouvernement. Sa présence auprès des sinistrés lors de la vague d’inondations du printemps a encore fait monter sa cote. À l’interne, c’est une autre histoire. On lui a donné un cabinet ministériel qui comptait de nombreux péquistes – Pascal Mailhot, issu du cabinet de Bernard Landry, distribuait les emplois. Mme Guilbault ne fonctionne qu’avec une partie de ses troupes.

Simon Jolin-Barrette est un bon marqueur ; on ne regrette pas de lui avoir confié deux dossiers névralgiques, l’Immigration et la laïcité.

Mais on se souvient de ses débuts chancelants : le débat autour des 18 000 dossiers d’immigration mis sur la touche, son arrogance face aux avocats des demandeurs d’asile. Sa fougue lui joue des tours. Cette semaine, il s’est mis à dos l’opposition, mais aussi les médias pour avoir tenu à ce que sa commission parlementaire se tienne dans une salle exiguë, sans caméras. Du bruit, des frictions totalement inutiles, juge-t-on.

Sonia LeBel, à la Justice, a eu sa partie de bras de fer avec M. Jolin-Barrette autour du mécanisme de proposition des juges à la Cour suprême. Elle a gagné la partie. On jugeait qu’elle travaillait un peu en vase clos sur le dossier délicat de la réforme du scrutin, mais elle a finalement abattu ses cartes cette semaine.

Au Travail, Jean Boulet traîne le conflit d’ABI, à Bécancour, qui perdure depuis 16 mois. Mais sa Grande Corvée nationale pour l’emploi a eu des retombées, surtout en région. Il sera bientôt en vedette avec le renouvellement des ententes fédérales-provinciales en matière de formation de la main-d’œuvre.