(Ottawa) Justin Trudeau entend bien parler de droit à l’avortement avec Mike Pence jeudi à Ottawa.

Le vice-président américain vient au Canada pour discuter de la ratification de la nouvelle version de l’ALENA. Mais le premier ministre veut élargir la conversation.

Ces derniers mois, le droit à l’avortement a été limité par plusieurs lois dans des États américains.

Mardi, M. Pence applaudissait un jugement de la Cour suprême des États-Unis qui a maintenu une loi de l’Indiana. Cette loi impose que les tissus des fœtus avortés soient traités comme des restes humains, soient enterrés ou incinérés, plutôt que comme des déchets médicaux.

M. Pence a lui-même fait passer cette loi en 2016 alors qu’il était gouverneur de l’Indiana.

Dans sa déclaration de mardi, le vice-président a espéré, une fois de plus, que les droits des « Américains non nés » soient protégés contre la discrimination basée sur le sexe, la race ou un handicap. Pareille protection, évoquée dans d’autres lois américaines, limiterait davantage le droit à l’avortement.

« Je suis très préoccupé par le mouvement conservateur qui commence à retirer les droits des femmes aux États-Unis et ailleurs », a dit M. Trudeau à son arrivée à la porte des Communes, mercredi après-midi.

« Je vais certainement parler de ça avec lui », a-t-il ajouté avant de souligner que la conversation portera surtout sur la ratification de l’ALENA.

Le groupe Action Canada pour la santé et les droits sexuels qualifie cette éventuelle conversation de « fondamentalement importante ». En entrevue téléphonique, Sarah Kennell a vanté l’utilité de pareilles conversations « en haut lieu » et « alors que vous avez l’attention de la presse ».

Les conservateurs et l’avortement

Plus tôt dans la journée, les conservateurs canadiens reprochaient à M. Trudeau de chercher faussement à les associer au recul du droit à l’avortement.

« Ils utilisent cet enjeu seulement pour nous attaquer », se plaignait le député Erin O’Toole à sa sortie de caucus, en rappelant que son chef s’est engagé à plusieurs reprises à ne pas ouvrir à nouveau ce débat au Canada.

Sa collègue Rachael Harder qui était parmi les 13 élus conservateurs présents au début du mois à la manifestation annuelle contre le droit à l’avortement sur la colline parlementaire a refusé de répondre aux questions des journalistes.

Quelques heures plus tard, les conservateurs ont empêché l’adoption d’une motion déposée par le Bloc québécois.

« Que la Chambre des communes réitère que le corps de la femme n’appartient qu’à elle seule et reconnaisse son libre choix en matière d’avortement pour quelque raison que ce soit », déclarait la motion que Monique Pauzé a présentée alors que plusieurs conservateurs criaient « non ».

L’initiative de la députée Pauzé lui a valu une longue ovation boudée seulement par les conservateurs.

« Ils ont montré leur vrai visage maintenant. De ne pas appuyer cette motion-là, ça veut dire qu’ils sont d’accord avec Mike Pence, qu’ils sont contre le libre-choix », a interprété la députée bloquiste, jointe par téléphone après l’épisode en Chambre.

Mme Pauzé se désole que M. Trudeau ne puisse pas affronter Mike Pence armé d’une motion qui aurait signifié l’appui de l’ensemble des parlementaires au libre-choix.

« Il aurait pu dire à M. Pence qu’au nord de la frontière, les droits des femmes ne reculent pas », a fait remarquer la députée qui devra se contenter d’un engagement du gouvernement libéral en place.

Une motion similaire à celle de Mme Pauzé a été adoptée unanimement mercredi matin à l’Assemblée nationale, à l’initiative de la députée solidaire Manon Massé. Québec solidaire a demandé qu’on envoie copie de cette motion aux Communes.

La motion québécoise : « Que l’Assemblée nationale réaffirme que le droit des femmes à disposer de leurs corps est un droit fondamental et inaliénable ; Qu’elle rappelle, à l’approche des prochaines élections fédérales, que le droit à l’avortement fait l’objet d’un consensus social et politique au Québec ; Que l’Assemblée nationale affirme sa solidarité envers les luttes des femmes partout à travers le monde pour obtenir ou conserver ces droits. »