« Les sceptiques seront confondus, dus, dus, dus ! » Le regretté Michel Noël aurait été surpris de voir sa formule, lapidaire, recyclée dans un discours politique. Le petit François Legault avait dû à son heure crouler de rire devant les stratagèmes des « sbiiiires », retenir son souffle quand le Capitaine Bonhomme sentait monter ses fameuses « colères vertes ».

On ne manquait pas de « colères vertes » au conseil général de la Coalition avenir Québec en fin de semaine. Metteur en scène devenu ténor du mouvement environnementaliste, Dominic Champagne a maintes fois martelé, avec une ferveur renouvelée, sa condamnation du pétrole. À la fin de l’exercice, il se disait satisfait du nouveau discours vert de François Legault. Sa logique est simple : en utilisant plus d’électricité, le Québec réduira sa dépendance aux énergies fossiles. Et moins de pollution, plus de richesse, c’est faire de « deux pierres… un coup », a laissé tomber M. Legault – un lapsus.

Mais il faudra voir avec le temps si la détermination tient la route. À Ottawa, Justin Trudeau avait un discours environnementaliste impeccable jusqu’au moment où il a perdu toute crédibilité en appuyant le pipeline vers l’Ouest, insiste Champagne.

Dans son discours de clôture, devant plus de 1200 militants, François Legault y est allé d’une liste impressionnante d’engagements. Et le scepticisme n’étant pas convié au rassemblement, François Legault a rappelé quelques fois la fameuse tirade du tout aussi fameux Capitaine.

Le Québec peut être « la batterie verte de l’Amérique du Nord ».

Des cibles, souvent éloignées : d’ici 2030, le Québec devrait consommer 40 % moins de pétrole, « un défi immense », convient-il. Déjà, le Québec n’a pas à rougir de son bilan : 36 % de l’énergie consommée est renouvelable et en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES) par habitant, sur 60 États et provinces, le Québec est premier de classe. Comme Pauline Marois, il estime que le Québec devrait être doté de 1 million d’autos électriques d’ici 2030 – en fait, les prévisions du Ministère permettent d’espérer 2 millions, soit 12 % de la consommation de pétrole.

Mais dans la litanie des promesses, bien peu de chiffres, pas de démonstration. Les cibles sont toutes fixées à 2030, hormis l’engagement d’assurer que tous les futurs bâtiments, écoles du gouvernement soient chauffés et climatisés à l’électricité plutôt qu’au mazout. On aurait cru que c’était déjà le cas. Pourquoi ne pas tenir compte de l’utilisation de l’électricité dans la grille d’évaluation des bâtiments où l’État est locataire ?

Ce n’était pas la pensée magique de Philippe Couillard quand il avait fait apparaître le rêve d’un TGV entre Québec et Montréal devant ses militants réunis en congrès. Legault montrait son « côté givré », avec une longue liste de projets de transports collectifs électriques – des tramways pour Québec, mais aussi pour Gatineau, pour Longueuil sur le boulevard Taschereau, dans l’est de l’île de Montréal. Dès cette semaine, le gouvernement déposera un projet de loi nécessaire à la réalisation du tramway parrainé par Régis Labeaume à Québec. On pense qu’il sera adopté rapidement. Le différend Québec-Ottawa quant au financement du projet serait réglé avant la fin de juin.

Québec est en discussions avec le Massachusetts et New York pour la vente d’électricité, une entente qui réduirait de 5 millions de tonnes par année les émissions polluantes, l’équivalent de 1 million d’autos en moins sur les routes.

Le passage récent de M. Legault à New York permet d’être optimiste, mais les négociations restent à faire quant au prix de l’énergie. Il tomberait sous le sens que les États et les provinces mettent au rancart leurs centrales au gaz, au mazout, au charbon, voire nucléaires en bénéficiant de l’énergie québécoise. Mais les premières tentatives avec le gouvernement de Doug Ford en Ontario ne sont pas de bon augure – pour Queen’s Park, les centrales nucléaires sont une source importante d’emplois en région.

Mais le gouvernement Legault n’abandonnera pas son plan : le développement économique, assure-t-on. Pas un mot sur les projets de production d’urée à Bécancour, de troisième lien à Québec ou de port méthanier sur le Saguenay, des idées que réprouvent avec énergie les environnementalistes. Dominic Champagne n’a pas oublié de rappeler ces initiatives malvenues, selon lui. François Legault sera-t-il le champion des verts ou redeviendra-t-il l’apôtre du développement économique ?

Les enfants trépignaient, mais à bout de boniment, le Capitaine terminait toujours par « la suite… au prochain épisode ! »