(NEW YORK) À un pâté de maisons de la Trump Tower, François Legault a présenté hier midi, devant un parterre de gens d’affaires new-yorkais, sa propre conception de l’art de la négociation. Cette conception ne reflète pas seulement son « obsession de faire exploser » les investissements privés au Québec. Elle tranche également avec celle du président américain, dont il a comparé la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) à « une longe visite chez le dentiste ».

Lançant sa première mission économique aux États-Unis, le premier ministre du Québec a également profité de l’occasion pour annoncer l’attribution d’un contrat par la Ville de New York à une entreprise québécoise — AddÉnergie — pour fournir des bornes de recharge pour des véhicules électriques « qui seront installées directement sur les trottoirs » de la métropole américaine. Il s’agira du premier réseau de cette nature aux États-Unis.

Vers la fin de sa première journée complète à New York, François Legault est par ailleurs ressorti « très content » d’une rencontre avec le premier maire suppléant de la ville, Dean Fulaihan, concernant un éventuel contrat d’approvisionnement en électricité qui pourrait rapporter 10 milliards de dollars sur 20 ans à Hydro-Québec.

« Il veut rencontrer directement le président d’Hydro-Québec, a déclaré le premier ministre au sortir de la mairie de New York. Ce que je lui ai dit clairement, c’est qu’actuellement, Hydro-Québec fournit 5 % de l’électricité pour l’État de New York et qu’on est prêt à faire trois fois l’entente actuelle. »

« Évidemment, ils veulent s’assurer d’avoir un bon prix. Mais il y a un appétit pour un deal. » — François Legault

Le premier ministre du Québec a réitéré que son gouvernement était prêt à « regarder différentes solutions pour la ligne de transmission », en plus de celle du projet Champlain Hudson Power Express.

Si le maire de New York, Bill de Blasio, était absent de la mairie hier, ce n’est pas qu’il faisait campagne en Iowa ou au New Hampshire, comme d’autres candidats démocrates à la présidence. Il se trouvait sur le campus de l’Université Yale, au Connecticut, pour assister à la remise de diplômes de la promotion 2019, dont fait partie son fils Dante.

François Legault s’adressait à environ 200 invités de la Foreign Policy Association lorsqu’il a évoqué son désir de « rendre le nord-est de l’Amérique encore plus grand ». Le premier ministre caquiste venait de répéter son objectif de faire du Québec la « batterie » du Nord-Est américain. Il venait aussi de vanter les progrès de Montréal dans le domaine de l’intelligence artificielle.

« Nous avons les ingrédients pour donner à notre région un avantage dans l’économie de l’avenir », a déclaré le chef du gouvernement québécois avant d’utiliser la formule qui rappelait le célèbre slogan de Donald Trump.

Plus tard, il devait critiquer le président américain, sans le nommer, en comparant en termes voilés leurs visions du libre-échange et de la négociation.

« Je dois dire que plusieurs blessures volontaires ont été infligées récemment », a-t-il dit. « Par exemple, la renégociation de l’ALENA, devenu l’ACEUM [Accord Canada–États-Unis–Mexique], a été une longue visite chez le dentiste au cours des deux dernières années. En somme, si j’ai appris quelque chose en affaires, c’est que les meilleures ententes sont les ententes gagnantes-gagnantes. C’est l’art véritable. »

Un art fort différent de celui que Donald Trump, grand amateur du jeu à somme nulle, pratique en tant que président.

François Legault avait commencé sa mission économique à New York avec une rencontre avec John Malone, directeur d’Avaio Capital, fonds d’investissement qui souhaiterait construire des centres de données au Québec. Il a par la suite rencontré la lieutenante-gouverneure de l’État de New York, Kathy Hochul, avec qui il a notamment discuté de la volonté du maire de New York d’approvisionner l’ensemble des infrastructures de sa ville en hydroélectricité québécoise.

L’élue new-yorkaise n’a pas donné l’impression qu’une entente était imminente.

« Nous avons eu une conversation positive, mais il y a plusieurs détails à régler, a-t-elle confié. Je dirais que le dossier est sur la table, mais qu’il n’y a pas de résolution pour le moment. »

PHOTO FOURNIE PAR LE BUREAU DU PREMIER MINISTRE

François Legault a participé à une rencontre au siège de l’Autorité portuaire de New York et du New Jersey avec les représentants de huit entreprises québécoises, dont Lion, Nova Bus, Bentley Systems et Element AI.

Après son discours devant la Foreign Policy Association, François Legault a participé à une rencontre au siège de l’Autorité portuaire de New York et du New Jersey avec les représentants de huit entreprises québécoises, dont Lion, Nova Bus, Bentley Systems et Element AI. Yoshua Bengio, directeur scientifique de l’Institut québécois d’intelligence artificielle, a également pris part aux échanges qui ont permis aux Québécois de vanter leurs services à un organisme qui passe d’importants contrats dans divers domaines.

À New York, François Legault a affirmé son désir de faire passer la somme des investissements privés au Québec de 30 à 60 milliards de dollars par année d’ici quatre ans. Il a dit vouloir atteindre cet objectif non seulement en promettant des incitatifs fiscaux, mais également en réduisant les délais bureaucratiques.

PHOTO FOURNIE PAR LE BUREAU DU PREMIER MINISTRE

François Legault s’est recueilli devant le Memorial du 11-Septembre avec sa femme Isabelle Brais.

Après sa rencontre au siège de l’Autorité portuaire de New York et du New Jersey, le premier ministre s’est recueilli devant le Memorial du 11-Septembre avec sa femme Isabelle Brais.

Il poursuivra aujourd’hui sa tournée new-yorkaise en visitant notamment Facebook et Blackstone, société d’investissement dirigée par Stephen Schwarzman. Il prendra ensuite la route de Washington, où prendra fin demain après-midi sa mission américaine. Il n’y rencontrera cependant pas le secrétaire à l’Énergie, Rick Perry, contrairement à ce qu’un lapsus lui a fait dire dimanche.