Alors que la fin de la session parlementaire approche à grands pas et que son projet de loi sur les pardons pour possession de cannabis vient d’être rejeté en Chambre, le néo-démocrate Murray Rankin redoute que l’amnistie proposée par les libéraux ne vienne pas avant l’élection d’octobre prochain.

Les députés libéraux, grâce à leur majorité aux Communes, ont rejeté mercredi après-midi en deuxième lecture la mesure législative d’initiative parlementaire C-415, la Loi sur la radiation de certaines condamnations liées au cannabis, ce qui signe donc l’arrêt de mort du projet de loi du député néo-démocrate Murray Rankin.

Il faudra par conséquent miser plutôt sur le C-93, ce projet de loi qu’a déposé le gouvernement Trudeau plus de quatre mois après la légalisation de la substance – au grand déplaisir du député Rankin, qui considère mesure législative comme une « demi-mesure qui ne plaît à personne » et « qui ne fait pas le travail ».

« La radiation signifie que le dossier criminel pour possession simple de cannabis est supprimé pour toujours, tandis qu’avec la suspension de casier judiciaire proposée par les libéraux, le dossier ne disparaît pas complètement », a-t-il exposé en entrevue à La Presse pour expliquer la différence entre sa proposition et celle des libéraux.

Même pour que l’amnistie prévue dans C-93 entre en vigueur avant la fin de cette 42e législature, il y a loin de la coupe aux lèvres : il reste moins de sept semaines de travaux aux Communes, et le projet de loi n’a pas encore franchi l’étape du vote à la deuxième lecture.

La leader du gouvernement libéral en Chambre, Bardish Chagger, a fait adopter au début du mois d’avril une motion d’attribution de temps, ce qui signifie que les débats seront limités et que la mesure législative cheminera donc plus rapidement – la majorité libérale se chargera de l’avaliser aux Communes.

« Ce ne sera pas adopté ! »

Mais elle se transportera ensuite au Sénat, où l’on croule déjà sous les projets de loi que le gouvernement veut faire adopter avant l’élection. Un calendrier d’adoption de 13 mesures législatives (dont plusieurs sont litigieuses) a été établi – et on n’y trouve ni le projet de loi sur le budget (C-97), ni celui sur les langues autochtones (C-91) … ni le C-93.

« Ce ne sera pas adopté ! Comment ce projet de loi peut-il passer aux Communes, puis au Sénat, en passant par les comités des deux chambres, avant l’ajournement des travaux de cette législature, en juin ? Théoriquement, ce n’est pas impossible. Est-ce impossible en pratique ? Pas mal », s’est exclamé le député Rankin.

Au bureau du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, on a voulu se montrer optimiste.

« Lorsque le ministre Goodale a annoncé le projet de loi C-93, il a déclaré que la Chambre des communes — lorsqu’elle est saisie d’une mesure très importante autour de laquelle il y a un grand consensus — peut agir très rapidement (et que) d’ici l’été, c’est notre ambition, espérons que les dispositions seront en place », a signalé à La Presse son attaché de presse, Scott Bardsley.

« Cela reste sa position », a-t-il assuré.

Chez les conservateurs, on a prévenu que ce projet de loi ne passerait pas comme une lettre à la poste.

« Même si nous sommes prêts à appuyer l’idée du projet de loi C-93 en deuxième lecture, nous aurons besoin, en comité, de faire l’étude approfondie du projet de loi », a argué Pierre Paul-Hus le 8 avril dernier dans un débat en Chambre.

« En comité, nous allons devoir aller plus loin. Nous allons proposer des amendements, et nous espérons qu’ils seront acceptés par le gouvernement libéral », a-t-il signalé dans cette même intervention.

Le Parti conservateur et Le Bloc québécois comptent voter pour le principe du projet de loi en deuxième lecture pour envoyer C-93 à l’étude en comité, ont indiqué mercredi les attachés de presse des deux formations.

En vertu de la mesure législative, les personnes condamnées pour possession simple de cannabis pourraient demander gratuitement une demande de pardon, alors qu’il en coûte présentement 631 $ pour le faire.