(OTTAWA) Pas question pour Justin Trudeau d’intervenir afin de permettre à l’ancien premier ministre indépendantiste de la Catalogne, Carles Puigdemont, d’entrer en sol canadien.

« On a un processus indépendant. On fait entièrement confiance à nos fonctionnaires. Il n’y a pas eu d’intervention politique et il n’y aura pas d’intervention politique non plus », a signalé le premier ministre lors d’une brève mêlée de presse, mardi.

Son ministre de l’Immigration, Ahmed Hussen, a lui aussi assuré un peu plus tôt qu’il n’y avait « aucune intervention politique dans aucune décision » au cours du processus de traitement des Autorisations de voyage électronique (AVE) comme celle-ci.

Et si des personnes qui souhaitent visiter le Canada ont essuyé un refus, elles peuvent toujours « appliquer de nouveau en fournissant de nouvelles informations qu’un agent d’immigration indépendant peut évaluer », a argué le ministre en mêlée de presse.

Or, c’est une révocation, et non pas un refus, que les autorités canadiennes ont servi à l’ancien dirigeant : on lui a retiré le 31 mars dernier le feu vert qui lui avait été donné le 26 février dernier, a tenu à préciser à La Presse son avocat québécois, Stéphane Handfield.

« La situation de M. Puigdemont entre ces deux dates, elle était identique », a plaidé à l’autre bout du fil celui qui a déposé lundi une demande d’autorisation de contrôle judiciaire en Cour fédérale pour contester le verdict des fonctionnaires du ministère fédéral de l’Immigration.

Car l’avocat spécialisé dans les cas d’immigration considère « improbable » qu’il n’y ait eu aucune intervention politique – ce qu’il continuera de croire « tant et aussi longtemps qu’on n’aura pas les motifs qui ont amené l’agent à révoquer l’AVE ».

Les raisons de la décision d’Ottawa ne sont pas connues.

On sait, en revanche, que dans le formulaire d’AVE, on demande aux voyageurs d’indiquer s’ils ont déjà été accusés d’une infraction criminelle dans tout pays ou territoire.

On sait aussi que le gouvernement espagnol a accusé Carles Puigdemont de sédition, rébellion et de malversation pour son implication dans l’organisation du référendum sur l’indépendance, le 1er octobre 2017.

Madrid avait cependant retiré en juillet 2018 les mandats d’arrestation internationaux qui pesaient contre lui et cinq autres dirigeants indépendantistes, après qu’un juge de l’Allemagne eut refusé de l’extrader vers l’Espagne pour sédition et rébellion.

Motion défaite à l’Assemblée nationale

À l’Assemblée nationale, mardi, le Parti québécois a cherché, sans succès, à déposer une motion sans préavis. Le député péquiste à l’origine de la démarche, Joël Arseneau, espérait enjoindre le fédéral à revenir sur sa décision.

« Que l’Assemblée nationale déplore la décision du gouvernement du Canada de révoquer le droit de séjour au pays de Carles Puigdemont […] sans aucun motif, et exige la révision de cette décision le plus rapidement possible », stipulait sa motion.

Le premier ministre François Legault a justifié son opposition en disant vouloir obtenir la « version du gouvernement fédéral » avant d’adopter une motion pour le « blâmer » dans ce dossier.

En même temps, il a manifesté son incompréhension face à la situation.

« Moi, je ne comprends pas la décision du gouvernement fédéral. Je suis perplexe et j’aimerais que le gouvernement fédéral de M. Trudeau explique sa décision. Pourquoi il refuse cette personne-là ? », a-t-il lancé en mêlée de presse.

Le président général de la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal, Maxime Laporte, y a trouvé de quoi se consoler.

« Nous saluons les propos tenus aujourd’hui par le premier ministre du Québec, et demandons maintenant à son gouvernement d’exercer la pression nécessaire afin qu’Ottawa revienne sur sa décision », a-t-il déclaré dans un communiqué, mardi.

À Ottawa, lundi, le Bloc québécois avait lui cherché à faire adopter une motion pour condamner le refus du gouvernement Trudeau d’ouvrir les portes du Canada à Carles Puigdemont.

Là non plus, la tentative n’a pas fonctionné, se heurtant à l’opposition des libéraux.

- Avec La Presse canadienne