Les premiers ministres du pays sont arrivés jeudi à Montréal en prévision d'une réunion avec leur homologue fédéral, toujours mécontents de l'ordre du jour établi par ce dernier et avec l'un d'entre eux, l'Ontarien Doug Ford, menaçant même de claquer la porte si le programme de la journée n'était pas revu pour inclure les priorités des provinces.

L'ambiance qui prévalait jeudi soir alors que les premiers ministres provinciaux s'apprêtaient à souper avec Justin Trudeau témoignait des tensions qui risquent de transformer la rencontre de vendredi en l'un des rassemblements provincial-fédéral les plus acrimonieux des dernières années.

Selon des sources, M. Ford a affirmé qu'il était prêt à quitter la table si la réunion ne comprenait pas des discussions concernant la taxe fédérale sur le carbone, que l'Ontario a entrepris de contester devant les tribunaux.

Et lorsqu'il a rencontré M. Trudeau en personne dans un hôtel de centre-ville de Montréal lors d'un échange préliminaire jeudi, le premier ministre ontarien est allé droit au but.

« Je suis content de m'asseoir avec vous, Justin, et de parler des choses qui sont importantes pour les gens de l'Ontario », a déclaré Doug Ford après avoir pris place dans un fauteuil situé à bonne distance de celui du premier ministre Trudeau.

« Je vais vous dire ce qui est important pour les gens de l'Ontario : la taxe sur le carbone, qui tue l'emploi. »

L'Ontario veut également parler de la possibilité de trouver de nouveaux emplois aux travailleurs touchés par la fermeture de l'usine de General Motors à Oshawa l'an prochain et des personnes traversant illégalement la frontière canado-américaine qui, selon Doug Ford, coûtent plus de 200 millions à la province.

Justin Trudeau s'est montré généreux envers le premier ministre ontarien, et ce, même si les fonctionnaires fédéraux ont confié en privé s'attendre à ce que M. Ford fasse tout en son pouvoir pour faire capoter la rencontre.

« C'est un plaisir d'accueillir Doug au Québec, à Montréal, ma ville, a-t-il affirmé. C'est l'occasion pour nous de parler des sujets qui sont importants pour les Ontariens, pour les Canadiens : la croissance économique, continuer de travailler fort pour créer de bons emplois pour la classe moyenne, pour créer des occasions d'emploi pour tout le monde. »

Le premier ministre fédéral avait assuré plus tôt qu'il discuterait de tous les dossiers dont ses homologues provinciaux souhaitaient parler. Mais cette promesse n'a pas réussi à dissiper les critiques selon lesquelles l'ordre du jour de la réunion est trop centré sur la réduction des barrières au commerce interprovincial et consacre trop de temps aux présentations de ministres fédéraux.

Doug Ford a dit avoir hâte de participer à la réunion de vendredi, mais, après son tête-à-tête avec M. Trudeau, il a refusé de répondre aux questions des journalistes à savoir s'il avait toujours l'intention de quitter la rencontre advenant le cas où elle ne se déroulerait pas selon ses attentes. Une porte-parole de M. Ford, Ivana Yelich, a déclaré : « Nous espérons que le premier ministre trouvera approprié d'accorder de la place aux préoccupations de ses partenaires provinciaux. »

M. Ford s'est plus tard assis avec deux de ses alliés conservateurs dans la lutte contre la taxe fédérale sur le carbone, le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, et celui du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs. Le trio a, une fois de plus, dénoncé l'ordre du jour de Justin Trudeau.

« Nous n'avons pas besoin de nous faire faire la leçon par ses ministres, nous avons besoin de parler des choses qui sont importantes pour nos provinces », a martelé Doug Ford.

M. Moe et la première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, militent pour que les discussions de vendredi fassent la part belle à la crise des prix du pétrole. À ce sujet, Mme Notley a prédit qu'elle aurait beaucoup d'alliés dans la salle.

« Il n'y a pas une province au pays qui n'est pas redevable à l'Alberta à un certain degré pour ses écoles, ses hôpitaux et ses routes. Le fait est que l'Alberta doit bien aller pour que le Canada aille bien », a soutenu Rachel Notley avant de quitter Edmonton, jeudi.

Elle a souligné que les projections concernant la croissance économique du Canada étaient déjà moins brillantes en raison du trop faible prix qu'obtient l'Alberta pour son pétrole aux États-Unis et de son incapacité à expédier son produit outre-mer.

Interrogé en mêlée de presse au sujet de la réunion de vendredi, le premier ministre du Québec, François Legault, a reconnu que certains de ses collègues allaient probablement vouloir aborder la question pétrolière.

« Bien sûr, il y en a qui voudront parler de pétrole, mais je leur parlerai d'hydroélectricité », a déclaré M. Legault, révélant du même coup son intention de proposer d'augmenter les exportations d'électricité vers les autres provinces.

Quant aux oléoducs, dont le défunt pipeline Énergie Est, le premier ministre québécois a estimé qu'il n'y avait pas « d'acceptabilité sociale » pour ce type de projet.