Le ministre François-Philippe Champagne ne ferme pas la porte à la construction d'un troisième lien routier entre Québec et Lévis même si ce projet ne semble pas cadrer avec les priorités du gouvernement Trudeau en matière de transport en commun et d'infrastructures vertes.

Dans une entrevue à La Presse canadienne, celui qui occupe le poste de ministre de l'Infrastructure et des Collectivités au sein du cabinet fédéral depuis juillet s'est dit prêt à évaluer ce que Québec lui soumettra. Il admet ne pas encore avoir été approché par le gouvernement Legault.

« C'est difficile d'ouvrir ou de fermer une porte pour quelque chose qui n'est pas encore soumis », a-t-il fait valoir.

« Donc, dans ce sens-là, je dis : écoutez, on suit avec beaucoup d'intérêt et lorsqu'il y aura un projet qui sera déposé, bien on va le regarder avec énormément d'attention et c'est là qu'on pourra déterminer si, oui ou non, la porte est ouverte ou est fermée du côté fédéral. »

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a promis durant la campagne électorale québécoise de concrétiser ce projet cher à certains citoyens de la région de Québec. M. Legault, dont le parti a obtenu une écrasante majorité le 1er octobre, s'était engagé à commencer les travaux avant la fin de son premier mandat, soit en 2022.

Un bureau de projet avait été créé par le gouvernement libéral précédent. Le nouveau ministre québécois des Transports, François Bonnardel, a réduit les scénarios étudiés de cinq à un seul. Selon la formule retenue, le troisième lien, qui prendrait la forme d'un pont ou d'un tunnel, traverserait le fleuve Saint-Laurent près de la pointe ouest de l'Île d'Orléans.

Le coût du projet n'est pas encore déterminé, mais le député caquiste Éric Caire avait avancé en janvier que la facture pourrait s'élever à 4 milliards.

Or, Ottawa prévoit une enveloppe de 7,5 milliards pour les infrastructures du Québec au cours des dix prochaines années, dont 5 milliards seront dédiés au transport en commun.

Le gouvernement Trudeau s'est également engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 % sous les niveaux de 2005 d'ici 2030 en vertu de l'accord de Paris sur le climat. Or, le transport routier est l'une des activités qui émettent la plus grande quantité de carbone au pays, selon l'inventaire compilé par le ministère fédéral de l'Environnement et du Changement climatique.

« On l'a vu à de nombreuses reprises, à toutes les fois qu'on crée un nouveau lien [...], on crée pour un moment très bref l'illusion d'une plus grande fluidité et on envoie le message "venez en voiture", alors que les solutions de l'avenir passent par le transport en commun », a fait valoir le porte-parole néo-démocrate en matière de transports, Robert Aubin.

M. Champagne n'a pas voulu s'avancer sur la possible contradiction entre le projet de troisième lien à Québec, qui pourrait favoriser une augmentation de la circulation automobile, et l'engagement de son gouvernement à lutter contre les changements climatiques.

« C'est pour ça que je dis qu'on regardera quand on aura un projet sur la table », a-t-il répété.

Deux députés conservateurs de la région de Québec ont dit appuyer le projet, mais se sont gardés d'exiger un financement d'Ottawa.

« Le gouvernement du Québec a son travail à faire pour déterminer le coût de tout ça, a souligné Pierre Paul-Hus. Et puis, par la suite, vous savez comme moi que le fédéral n'investit pas directement dans un pont. Ce sont les infrastructures adjacentes au troisième lien. »

« Notre chef a une position très claire, il est en faveur d'un troisième lien à l'est », a indiqué le député de la région de Lévis, Steven Blaney.

« Pour nous, il est important que le gouvernement fédéral soit un partenaire solide des projets d'infrastructures majeures de nos collectivités », a-t-il ajouté sans être plus précis.

Le chef conservateur Andrew Scheer sera de passage à Lévis jeudi pour prononcer un discours à la Chambre de commerce. Les conservateurs espèrent consolider leurs appuis sur la rive sud et faire des gains du côté de Québec lors de l'élection générale d'octobre 2019.