Exportation et développement Canada (EDC) se voit pressé de revoir ses façons de faire en raison du soutien financier accordé à une multinationale britannique controversée qui est très active dans le secteur minier.

L'ONG Above Ground affirme que l'exercice paraît encore plus urgent depuis qu'une manifestation visant une fonderie exploitée en Inde par une filiale de Vedanta Resources a tourné au bain de sang.

Les forces de l'ordre ont fait feu en mai sur une foule de plusieurs milliers de personnes qui protestaient contre l'expansion projetée de la capacité de l'établissement situé à Tuticorin, dans l'État du Tamil Nadu, faisant 13 morts et plusieurs dizaines de blessés.

Vedanta Resources est boudée depuis plusieurs années par des investisseurs d'envergure en raison de son bilan en matière d'environnement et de respect des droits de la personne, souligne la porte-parole d'Above Ground, Lori Waller.

« Nous étions très surpris quand nous avons découvert qu'ils figuraient sur la liste des entreprises soutenues par EDC », dit-elle.

La liste des transactions de l'organisme fédéral indique, sans donner plus de détails, que Vedanta ltée, une filiale de Vedanta Resources, a reçu une somme se situant entre « 100 et 250 millions » en 2017 sous forme de prêt.

EXCLUE PAR LA NORVÈGE

Le fonds souverain norvégien, qui s'est doté d'une politique d'investissement responsable très contraignante servant d'inspiration à plusieurs autres fonds, refuse depuis plusieurs années d'investir dans les actions de Vedanta Resources.

Dans un avis transmis à la direction de la société en 2017, le responsable du conseil en éthique du fonds norvégien relevait que les controverses entourant ses activités « ne semblaient pas avoir diminué » sur une période de 10 ans et qu'il paraissait nécessaire de maintenir la société sur sa liste d'exclusion.

« Il continue d'y avoir un risque inacceptable que l'entreprise commette de sévères dommages environnementaux et des violations sérieuses ou systématiques des droits de la personne ou encore qu'elle y contribue. » - Extrait d'un avis de Johan H. Andresen, président du conseil d'éthique du fonds souverain norvégien, à propos de la fonderie de Tuticorin

Les dirigeants des villages avoisinants affirment que les émissions provenant de la fonderie causent de graves problèmes respiratoires à de nombreux résidants.

En 2013, la Cour suprême indienne a imposé une amende substantielle à Vedanta en raison de la dégradation environnementale survenue de 1997 à 2012 dans le secteur et de l'incapacité de la société à se conformer pleinement aux exigences du gouvernement.

VEDANTA SE DÉFEND

Les dirigeants de l'entreprise maintiennent aujourd'hui que les critiques relativement à l'impact environnemental de la fonderie sont sans fondement.

Ils affirment dans un communiqué publié à la suite de la fusillade que leurs opérations sur place se conforment à toutes les « normes environnementales » applicables et que des sommes de près de 100 millions de dollars ont été investies pour y parvenir.

La société se dit consternée par les « incidents tragiques » survenus en mai et affirme travailler activement depuis avec les autorités pour assurer la sécurité des employés et des « communautés avoisinantes ».

« Vedanta est un citoyen corporatif responsable et nous voulons donner tout le soutien possible aux personnes touchées par les incidents. » - Extrait d'un communiqué de l'entreprise

L'État du Tamil Nadu a ordonné dans la foulée de la fusillade la fermeture définitive de la fonderie, décision qui pourrait être contestée devant les tribunaux par Vedanta.

Cette polémique, et d'autres incidents survenus ailleurs en Inde et en Afrique concernant d'autres filiales de la société, auraient dû convaincre EDC qu'il n'était pas opportun de lui apporter un soutien financier, croit Lori Waller.

Elle estime qu'il est important de revoir les procédures suivies par l'organisme fédéral pour garantir que l'argent d'EDC ne puisse servir à soutenir des sociétés présentant un mauvais bilan en matière d'environnement ou de droits de la personne.

LOI-CADRE À REVOIR

La révision prévue cette année de la loi-cadre d'EDC constitue une occasion en or pour mener un tel exercice, selon Above Ground, qui a lancé plusieurs appels en ce sens au cours des derniers mois.

Une porte-parole d'EDC a indiqué à La Presse par courriel que l'organisme fédéral « a été très attristé » d'apprendre que des manifestants avaient été tués et blessés lors des protestations survenues en Inde en mai.

« EDC prend la situation très au sérieux et est en communication avec l'entreprise afin d'obtenir plus d'information », a déclaré Shelley Maclean, en précisant que le prêt avait servi à « l'acquisition de produits d'hydrocarbures » et « n'était pas effectué en guise de soutien des activités minières » de Vedanta.

Elle s'est dite incapable de fournir plus de détails à ce sujet en raison de questions de « confidentialité commerciale ».