Le vérificateur général de l'Alberta affirme que l'ancienne première ministre Alison Redford et son bureau «ont utilisé de façon inappropriée des ressources gouvernementales».

Selon Merwan Saher, Mme Redford et son personnel n'ont jamais pu justifier que des dépenses pour des déplacements étaient nécessaires, et qu'elles constituaient une utilisation raisonnable et appropriée des fonds publics. Le vérificateur soutient que Mme Redford a ainsi utilisé à des fins personnelles ou partisanes des biens publics, y compris un avion du gouvernement.

Ces conclusions sont tirées d'un rapport de vérification des dépenses liées aux déplacements de Mme Redford, ainsi qu'à son utilisation de l'avion gouvernemental. Dans son rapport publié jeudi, M. Saher affirme également que Mme Redford était impliquée dans des démarches visant à aménager un appartement pour la première ministre dans un édifice gouvernemental faisant l'objet de rénovations à proximité de l'Assemblée législative. Ce projet a depuis été annulé.

Selon M. Saher, le blâme reposerait exclusivement sur Mme Redford et son personnel politique. «Il serait malvenu, pour quiconque, d'extrapoler nos conclusions à l'ensemble de la fonction publique albertaine», conclut M. Saher.

«De façon générale, les pratiques de dépenses et d'utilisation des biens publics par Mme Redford et son bureau ne respectent pas les objectifs publics», écrit M. Saher. «Comment cela a-t-il pu se produire? La réponse tient dans l'aura de pouvoir entourant l'ex-première ministre et son bureau, ainsi que dans la culture voulant que l'influence de son bureau ne devait pas être contestée.»

Mme Redford a démissionné en mars de son poste de première ministre, alors que la révolte grondait au sein de son caucus en raison de son style de leadership et de ses dépenses somptuaires. Elle a aussi quitté son poste de députée mercredi, et a reconnu dans une lettre qu'elle avait commis des erreurs pendant qu'elle était au pouvoir, et qu'elle en assumait l'entière responsabilité. Mme Redford a toutefois refusé de commenter davantage.

Le premier ministre par intérim, David Hancock, qui a obtenu le rapport d'audit vendredi dernier, souhaitait mercredi que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) se penchera sur les conclusions du vérificateur général. Il a aussi fait savoir que le Parti progressiste-conservateur remboursera le gouvernement pour le coût des vols utilisés par Mme Redford à des fins partisanes.

M. Hancock a affirmé que le gouvernement acceptait les recommandations du vérificateur général et agira immédiatement pour «les mettre entièrement en vigueur».

De son côté, le ministre de la Justice a indiqué jeudi avoir conclu des ententes pour que des procureurs de l'Ontario travaillent avec la GRC afin d'examiner les dépenses de Mme Redford. Selon Jonathan Davis, le recours à des avocats provenant de l'extérieur de la province permettra de s'assurer que l'enquête demeure indépendante et fasse disparaître toute possibilité de conflit d'intérêts.

Des «réservations en bloc» de sièges

Les six recommandations de M. Saher incluent la surveillance par le Conseil du trésor des dépenses du premier ministre et de l'usage des avions gouvernementaux. Il recommande aussi que le gouvernement clarifie sa politique sur ces avions afin de s'assurer qu'ils ne soient pas utilisés à des fins partisanes.

M. Saher a énuméré diverses fautes dans son rapport, notamment une pratique de «réservations en bloc» de sièges sur un appareil gouvernemental pour donner une impression de pleine capacité «afin d'empêcher que d'autres passagers prennent place sur le même vol» que la première ministre et son personnel.

Il a aussi conclu que Mme Redford avait fait usage des appareils du gouvernement pour participer à des activités du Parti progressiste-conservateur, organisant parfois des événements à caractère gouvernemental au même moment.

À deux reprises, elle a profité de ces avions pour des voyages à caractère plus personnel - des funérailles familiales à Vancouver, et une fin de semaine à Jasper. Sa fille a pris place à bord lors de ces deux occasions, de même que lors de 48 autres vols, quelques fois avec des amis, et même d'autres fois en l'absence de sa mère.

M. Saher s'est aussi penché sur la mission commerciale de la première ministre en Inde et en Suisse, plus tôt cette année, dont les coûts avaient été fixés à 131 000 $ par le gouvernement. Ajoutant d'autres frais, tels que la planification préalable, la sécurité et le déplacement d'autres membres du personnel, le vérificateur général a plutôt établi les coûts à 450 000 $.

Peu après le dévoilement du rapport, le parti d'opposition Wildrose a appelé à la démission du ministre des Finances, Doug Horner, dont le ministère est responsable des avions du gouvernement provincial. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a réclamé une enquête publique.