Le lobby canadien des armes à feu demande au gouvernement Harper de ne pas signer un traité sans précédent des Nations unies sur le commerce des armes à feu, parce que ce document pourrait ouvrir la voie à un retour du registre fédéral des armes d'épaule.

Voilà le message que livrent l'Association canadienne pour les armes à feu (ACAF) et l'Association des sports de tir du Canada (ASTC) au ministre des Affaires étrangères, alors que John Baird évalue si le Canada devrait emboîter le pas aux États-Unis et signer le traité international, qui vise à réglementer le secteur mondial du commerce d'armes conventionnelles, évalué à plusieurs milliards de dollars.

Les partisans du traité, dont le secrétaire d'État américain John Kerry, qui l'a signé la semaine dernière au nom des États-Unis, affirment que le document n'aura pas d'impact sur les propriétaires locaux d'armes à feu.

Les membres du lobby pro-armes, qui ont discuté avec le gouvernement, ne voient pas la situation du même oeil. Selon eux, le traité pourrait faire augmenter le prix des armes et accessoires pour les tireurs canadiens, qui misent beaucoup sur l'importation.

«Nous croyons que cela pourrait faire augmenter le prix des armes à feu, des accessoires, des pièces et des munitions au Canada», a déclaré Sheldon Clare, président de l'ACAF, dans une entrevue.

Pour M. Care, les conservateurs ne signeront pas le traité, puisque cela pourrait leur nuire lors des élections de 2015. «Je crois qu'ils reconnaissent qu'il y aurait d'importantes ramifications au sein de leur base partisane s'ils approuvaient le traité.»

Une analyse des données d'Industrie Canada par La Presse Canadienne révèle que les importations d'armes à feu, d'accessoires et de munitions au pays ont totalisé 2,84 millions $ entre 2006 et 2012, soit presque deux fois plus que pendant les sept années précédentes, au moment où les libéraux étaient au pouvoir à Ottawa.

Tony Bernardo, dirigeant de l'ASTC, croit que le traité pourrait imposer un fardeau bureaucratique au pays semblable à celui du défunt registre des armes d'épaule.

M. Baird a lui-même admis qu'il existait un lien potentiel entre la signature du traité et le registre annulé par les conservateurs. Le porte-parole du ministre a précisé qu'avant de décider de signer ou non le document, le gouvernement prendrait son temps et «ferait ses devoirs» afin de s'assurer que les intérêts des Canadiens soient protégés.

De son côté, le Nouveau Parti démocratique dénonce une ingérence des deux associations dans la politique étrangère canadienne. Le porte-parole du NPD en matière de sécurité publique, Paul Dewar, a accusé le gouvernement d'accorder une préséance aux groupes d'intérêts dans le cadre de ses consultations.

«Il est choquant que le gouvernement prenne une décision fondée sur l'idéologie du lobby pro-armes plutôt que sur le fait que ce traité aidera à sauver des millions de vies», a-t-il déclaré par voie de communiqué.

«Nous savions déjà que la délégation du gouvernement présente aux négociations du traité - dont des représentants du lobby pro-armes - avait tenté à de nombreuses reprises d'affaiblir l'entente pendant les délibérations», a soutenu de son côté la porte-parole adjointe du NPD en matière d'affaires étrangères, Hélène Laverdière. «Mais le gouvernement s'est abaissé encore plus en demandant au lobby pro-armes de lui donner la permission de ratifier le traité.»

Le Traité sur le commerce des armes, adopté par l'Assemblée générale des Nations unies en avril, vise à réglementer la vente d'armes conventionnelles, des pistolets aux chars d'assaut, en passant par les avions de combat et les navires de guerre.

Jusqu'à maintenant, 113 États l'ont signé, mais seuls sept d'entre eux l'ont ratifié.