À bout de ressources, les contribuables n'ont plus les moyens d'éponger le déficit des régimes de retraite municipaux, a fait valoir vendredi le maire de Québec, Régis Labeaume.

En commission parlementaire, le maire Labeaume a invoqué l'urgence de permettre aux villes de décréter des modifications aux régimes de retraite à défaut d'une entente avec les syndicats pour renflouer les déficits actuariels.

Le délai de trois ans que recommande le rapport D'Amours sur la pérennité des régimes de retraite est beaucoup trop long, a soutenu M. Labeaume, qui suggère de limiter la période de négociations à un an.

«De toute façon, dans toute négo, ça se passe dans les trois dernières semaines. Prenons un an pour négocier et on aurait une autre année, si ça ne fonctionne pas, pour décréter. Qu'on prenne cinq ans, dix ans, ça va toujours se passer dans les trois dernières semaines. Ça ne donne rien de prolonger car en attendant, c'est le payeur de taxes qui assume les déficits», a-t-il expliqué devant les parlementaires membres de la commission.

M. Labeaume juge absurde d'exiger des contribuables - dont les deux tiers n'ont pas de fonds de pension - de payer le déficit des régimes de pension des employés municipaux.

Pour la seule ville de Québec, le déficit des fonds de pension municipaux se traduit par une charge supplémentaire de 624 $ sur le compte de taxes, et cela pour une maison d'une valeur moyenne de 260 000 $, a illustré le maire.

«Le monde n'en peut plus, ils ne sont plus capables de payer. Ajouter les taxes scolaires, les taxes sur l'essence et rempiler par dessus, le monde n'en peut plus», a-t-il lancé.

En outre, M. Labeaume demande au gouvernement d'adopter les mesures législatives nécessaires pour instaurer le partage 50-50 (employeur-employés) du remboursement du déficit et pour rendre possible la réduction rétroactive des droits acquis pour les employés actuels.

À Montréal

Confrontée à «l'explosion des coûts» des fonds de retraite, la Ville de Montréal, qui était représentée vendredi en commission parlementaire par Michel Bissonnet, membre du comité éxécutif, veut elle aussi que le gouvernement agisse rapidement pour «permettre une restructuration efficiente des régimes».

Les régimes de retraite «ne sont plus cohérents» avec les nouvelles réalités économique et démographique de Montréal et leurs coûts sont de plus en plus difficiles à justifier auprès des contribuables, a exposé en substance la délégation de la métropole.

Les cotisations de la Ville de Montréal aux régimes de retraite ont presque quadruplé depuis 2002. Elles étaient de 137 millions $ en 2002 et seront supérieures à 510 millions $ en 2014.

À Saguenay

En matinée, le maire de Saguenay, Jean Tremblay, est pour sa part venu vanter les mérites de l'entente conclue le printemps dernier entre la Ville, ses employés, ses policiers et ses pompiers sur les termes d'un nouveau régime de retraite. Il a imputé le succès de la négociation à «l'ambiance» favorable qui règne à Saguenay en matière de relations de travail.

«Moi, des grands spécialistes qui n'aboutissent jamais à rien, ce n'est pas ça que je veux. Je ne peux pas vous dire qu'on a les plus grands spécialistes à la Ville (Saguenay), mais je peux dire que nous sommes la ville qui marche le mieux, parce que les polices (sic), les pompiers, les travaux publics travaillent ensemble pour les citoyens. C'est ça notre formule», a expliqué le coloré maire saguenéen.

Fier de cette «formule», M. Tremblay n'est pas d'accord avec la feuille de route préconisée par son homologue de Québec.

À son avis, fixer une date butoir à la négociation - que ce soit le délai de trois ans que suggère le rapport D'Amours ou la période d'un an avancée par M. Labeaume - ne ferait que braquer les parties.

«C'est un bel effort mais dire à quelqu'un: "tu négocies avec moi et si on ne s'entend pas, c'est moi qui a raison", ce n'est pas une négociation. Je ne suis pas pour ça, tant qu'à ça, tu ne négocies pas», a-t-il tranché.

Projet de loi

Après plusieurs jours d'audiences, la commission parlementaire sur le rapport du groupe de travail présidé par Alban D'amours a pris fin et la ministre du Travail, Agnès Maltais, doit maintenant déposer un projet de loi sur la suite à donner aux recommandations.

Le rapport formule une série de propositions pour remettre à flot les régimes de retraite à prestations déterminées et recommande la création d'une rente de «longévité» payable à l'âge de 75 ans. En point de presse, Mme Maltais n'a pas été mesure de dire quand elle entend présenter son projet de législation.

«On va essayer de voir jusqu'à quel point on peut se trouver un consensus. Je pense que c'est possible, et après ça, on va se parler d'échéancier. Il y a une notion d'urgence qui est présente dans à peu près tous les mémoires présentés pour sauver les régimes de retraite et changer certaines règles du jeu. On l'a très bien compris», a signifié la ministre.