Le seul député autochtone de l'Assemblée nationale, Alexis Wawalonoath, parviendra-t-il à garder son poste? Ce jeune Métis fait campagne contre un poids lourd libéral, l'ancien ministre Pierre Corbeil. Dans cette bataille ultra serrée, les rares électeurs autochtones pourraient faire la différence.

L'entrée en matière d'Alexis Wawanoloath, candidat péquiste dans Abitibi-Est, est on ne peut plus directe. «Je suis le seul député autochtone à Québec et j'ai besoin de votre appui.»

En ce mardi matin neigeux, il frappe aux portes d'une rangée de bungalows qui abritent des logements sociaux à Senneterre, à trois quarts d'heure de route de Val-d'Or.

Ici, on rencontre des Cris, des Abénakis, des Algonquins. Des gens qui ne votent pas souvent. Et qui manifestent peu de sympathie pour le mouvement souverainiste.

Pourtant, la résidante d'une de ces maisons, Marie-Anne Miamscum, n'est pas trop difficile à convaincre. «Je n'avais encore jamais voté pour le Parti québécois, mais ça nous prend un autochtone. Je vais voter pour toi», dit-elle en marchant lourdement vers le vestibule.

Freida Boudrias, cuisinière au Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or, a elle aussi l'intention d'aller voter pour le député Wawanoloath, lundi : «Il y en a un de notre gang, on va y donner un coup de pouce.»

La victoire d'Alexis Wawanoloath a causé une grosse surprise au printemps 2007. À 24 ans, il était un novice en politique. Pourtant, il a réussi à déloger le ministre des Ressources naturelles Pierre Corbeil.

À l'époque, la division des votes causée par le candidat adéquiste l'avait aidé à gagner par 717 voix. Cette fois, personne ne se risque à prédire où iront les 4000 voix recueillies par l'ADQ en 2007.

«C'est très, très chaud», dit le politicologue Paul Mottel, du cégep de Val-d'Or. Et dans un combat aussi serré, chaque vote peut compter.

Les autochtones représentent environ 8% des électeurs de la circonscription. «Je suis convaincu que le PQ va tout faire pour les amener voter. Et même s'ils vont chercher 200 ou 300 nouvelles voix, ce sont des voix qui pourraient faire la différence», croit Paul Mottel.

Le fil de fer

Mais pour recueillir ces votes, Alexis Wawanoloath marche sur un fil de fer. Cet homme né d'une mère abénaquise et d'un père québécois n'aime pas se définir comme Métis. «Être métis, c'est être confiné à l'hybridité. Moi, je suis à la fois québécois et abénakis», dit-il. Cette double appartenance l'oblige à quelques exercices de haute voltige.

Prenez la crise forestière, le sujet qui préoccupe le plus en Abitibi.

«Allez vous faire de quoi pour la forêt?» lance Meggy Lévesque, une employée de l'Atelier d'usinage Branconnier, à Senneterre, où Alexis Wawanoloath s'est pointé mardi.

L'entreprise répare des camions de transport de bois. Moins de bois, moins de camions à réparer: c'est mathématique. «Tout le monde est en train de planter, c'est poche, j'ai hâte que les politiciens allument!» lance la jeune femme dans un poignant cri du coeur.

Pour la rassurer, le candidat péquiste brandit le programme de son parti. Mais ce programme, aux yeux des autochtones, fait la part belle à l'industrie et ne tient pas compte des revendications des Premières Nations.

«Alexis semble à l'aise dans les paradoxes, mais moi, à sa place, je serais déchirée», dit Édith Cloutier, directrice du Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or.

«Je ne peux pas porter 100% des revendications des autochtones. J'ai vu des gens pleurer parce qu'ils ont perdu leur emploi. En ce moment, il faut aider les industries à survivre», rétorque Alexis Wawanoloath.

Poids lourd

Mais ces gens qui pleurent devant les emplois perdus ne seraient-ils pas plutôt rassurés par le candidat Pierre Corbeil, un «ministrable» qui a l'appui des gens d'affaires?

Abitibi-Est a une tradition péquiste et bloquiste, rappelle Paul Mottel. Mais dans le contexte économique actuel, plusieurs électeurs songent à voter du côté du pouvoir.

D'un côté, un candidat encore vert, mais empathique et très présent sur le terrain. De l'autre, un homme d'expérience qui a des chances de faire partie du prochain gouvernement, mais à qui les électeurs reprochent encore de n'avoir pas su les protéger contre la débâcle du secteur forestier durant son premier mandat.

Et entre les deux, les voix de centaines d'électeurs autochtones qui, pour la première fois, pourraient compter dans la balance.