«Mon conjoint a la sclérose en plaques et est quasi quadriplégique depuis près de 20 ans. Il faut un lève-personne pour le lever. Ce n'est pas joli à entendre, mais c'est ça: il lui faut aussi un curage rectal quotidien.

Pour le nombre d'heures de soins, ça va: le CLSC nous en a accordé 35, ce qui est beaucoup plus que ce qui est accordé aux nouveaux patients.

Le problème, c'est la qualité des soins. Quand ils sont dispensés par des employés du CLSC, tout va bien. Les jours où le CLSC délègue plutôt les soins à du personnel d'agence, là, c'est l'enfer. On nous envoie régulièrement des gens non qualifiés, avec pour conséquence pour mon mari, par exemple, cette fausse manoeuvre qui a entraîné une complication à sa maladie inflammatoire de l'intestin. Comment se fait-il que le CLSC exige les plus hautes qualifications du personnel qu'il embauche mais qu'il ne s'assure absolument pas que le personnel d'agence, qu'il paie tout autant, ne démontre pas de compétences minimales?

Le commissaire aux plaintes m'a donné raison: le CLSC est responsable de la qualité des soins du personnel d'agence qu'il paie en sous-traitance. Mais dans les faits, qu'est-ce que cette confirmation va changer?

En plus du problème de compétence, il y a le problème de l'accès. Les fins de semaine, les agences sont fermées. Et excusez mon mari, mais que voulez-vous, lui aussi, dans la vie, il a besoin de déféquer, les fins de semaine...

Le CLSC m'a dit: «Quand il y a un problème, composez le 811, ce nouveau numéro d'Info-Santé.» L'infirmière au bout du fil était médusée et m'a dit d'appeler le CLSC, qu'elle ne pouvait évidemment rien pour moi. J'ai dit que c'était le CLSC qui m'avait recommandé d'appeler le 811.

Et essayez d'appeler la coordonnatrice du maintien à domicile, au CLSC... Tout le temps un répondeur. Ces gens-là, en CLSC, ont des réunions à n'en plus finir. Des réunions, des réunions et encore des réunions. Tenez, lundi dernier, mon mari et moi étions justement conviés à une de ces fameuses réunions. Deux heures gaspillées là en pure perte, pour qu'on nous lise la réponse que le commissaire aux plaintes était lui-même venu nous lire en personne à la maison!

Le CLSC veut que je place mon mari. Ça coûterait bien plus cher à l'État, mais ils s'en balancent: les CHSLD, c'est une autre enveloppe budgétaire, et s'ils se libèrent des 35 heures de soins donnés à mon mari, ils pourront les répartir à plusieurs autres cas plus légers. J'ai dû arrêter de travailler à 35 ans pour m'occuper de mon mari, que j'aime et que je veux garder à la maison. J'en suis capable: j'ai 52 ans, j'ai la santé, mais le manque de cohérence dans les soins nous rend la vie impossible.

Alors ce que je réclame aux politiciens, c'est qu'ils cessent de nous leurrer avec leur présumées prétentions de maintien à domicile. Les seuls qu'ils veulent maintenir à domicile, ce sont les cas légers de personnes qui n'ont besoin que d'un bain par-ci par-là.»

- Lucie Chainey, aimante naturelle

Propos recueillis par Louise Leduc