Quelques jours après le scrutin du 26 mars 2007, La Presse avait tenté de comprendre la percée de l'Action démocratique du Québec (ADQ) dans les banlieues de Montréal. Nous avions rencontré Nathaly Gagné, de Sainte-Julie, qui s'était laissé séduire par le «vent de fraîcheur» apporté par Mario Dumont.

Un an et demi plus tard, nous avons joint Mme Gagné pour savoir si le vent de fraîcheur souffle toujours de son côté. Pas du tout. «J'ai vraiment déchanté!» avoue cette infographiste, mère de trois enfants.

 

«Mario Dumont avait fait une bonne prestation pendant la campagne de 2007. Mais après l'élection, ses sorties semblaient mal préparées ou tout simplement injustifiées. Il a critiqué un budget qu'il n'avait même pas encore vu! Il ressemblait à un ado qui s'excite un peu en disant: non, non, c'est pas vrai, c'est pas comme ça!»

Le 8 décembre, Mme Gagné retournera à ses anciennes amours: le Parti québécois. Et elle ne sera pas la seule, prédit-elle. «La majorité des gens à qui j'ai parlé sont déçus et disent qu'ils voteront pour leur ancien parti.»

Pour Nicolas aussi, la «balloune a dégonflé». Cet adéquiste de la première heure refuse que son véritable nom soit publié pour éviter les «foires d'empoigne» avec ses amis de diverses allégeances.

L'opposition aveugle de l'ADQ au budget a «beaucoup déçu» l'homme de 37 ans, qui habite Mirabel. «On ne les avait pas élus pour faire ce que les partis de l'opposition avaient toujours fait dans le passé: être contre parce qu'il faut être contre. On voulait une opposition différente, constructive.»

L'autre «bourde monumentale» de M. Dumont, selon Nicolas, c'est lorsqu'il a menacé de défaire le gouvernement sur la réforme des commissions scolaires. «Cela ne faisait pas sérieux. C'était de la petite politique plate.»

Le 8 décembre, Nicolas votera libéral en espérant que le parti obtienne une majorité, «question d'avoir la paix pendant quatre ans».

À Blainville, Dave Toulouse n'ira carrément pas voter. Le programmeur de 29 ans a pourtant appuyé l'ADQ à tous les scrutins depuis 1998. Mais cette fois, il se dit désenchanté.

«Jusqu'à ce que l'ADQ devienne l'opposition officielle, on pensait que Mario Dumont offrait quelque chose de différent - qu'il était capable d'avoir des réflexions logiques sans entrer dans la partisanerie, dit-il. Mais l'ADQ ressemble de plus en plus aux autres partis.»

À Laval, François Jolicoeur, retraité de 65 ans, raconte avoir été séduit en 2007 par les engagements de l'ADQ en matière de politique familiale. «J'ai des petits-enfants dont la mère a choisi de rester à la maison. Alors l'idée de payer les familles plutôt que de financer les garderies, je trouvais ça intéressant», explique-t-il.

«Au début, j'estimais que Mario Dumont tenait un discours différent de nos politiciens habituels», dit M. Jolicoeur. Il a «totalement décroché» mardi. «Ses fameux clips, c'est bien un certain temps, mais quand il s'est mis à chanter la poupée qui fait non, non, non... là, j'ai eu honte d'avoir voté pour lui!»

En mars 2007, Mario Dumont s'était servi du débat sur les accommodements raisonnables pour rallier des électeurs. Nathaly Gagné était du nombre. Encore aujourd'hui, elle estime qu'il a été «un de ceux qui se sont tenus debout dans cette affaire».

Depuis quelques jours, le chef adéquiste tente à nouveau d'exploiter le thème de l'identité québécoise en vilipendant le cours d'éthique et de culture religieuse dans les écoles. Avec moins de succès, cette fois, auprès de Mme Gagné.

«Ce cours, je l'attendais. Il va offrir à mes enfants une ouverture sur les religions et sur une bonne partie de ce qui s'est passé sur terre au cours des derniers siècles! Non, vraiment, ça ne prend pas, son histoire...»