En dépit de sondages très favorables, Jean Charest prend un risque en déclenchant des élections générales. Les aléas des campagnes électorales pèsent plus lourd que les chiffres positifs des sondeurs, croit Claire Durand, spécialiste des sondages à l'Université de Montréal.

«Comme il y a des changements dans toutes les campagnes, personne ne peut se lancer en élections en prétendant savoir comment cela va se passer ! Personne ne peut dire que comme les sondages sont bons, la campagne sera une partie de plaisir», explique la spécialiste qui enseigne les méthodes de sondages.

Quand on gratte le choix des électeurs, on constate que les gens ne votent plus uniquement pour choisir un gouvernement. «Il y a toutes sortes de choses, le vote stratégique, les gens qui veulent envoyer un message», observe Mme Durand, qui est en train de décortiquer les sondages des dernières élections fédérales.

Lors des trois campagnes provinciales depuis 1998, et les cinq campagnes au Québec dans les élections fédérales tenues, la joute quotidienne, sur plus d'un mois, a fait mentir les sondages pris au déclenchement des élections. Toutes les fois, sauf en 1998, où Lucien Bouchard et Jean Charest ont terminé leur campagne avec les résultats prévus au début, observe la spécialiste.

Mme Durand ajoute des questions de son cru aux enquêtes menées par CROP. Elle demande si les électeurs ont le goût de refaire le même choix une élection plus tard. Trois mois après les élections de 2007, 75 % des électeurs adéquistes soutenaient qu'ils feraient le même geste, 72 % des supporteurs libéraux maintenaient leur appui et 80 % des péquistes étaient prêts à renouveler leur choix - le chef péquiste avait toutefois changé entre les deux enquêtes.

Or en octobre 2008, l'ADQ peinait à conserver un vote sur deux parmi ses partisans du printemps 2007 - 55 % des répondants soulignaient vouloir renouveler leur adhésion au parti de Mario Dumont. Du côté du PLQ, 85 % des électeurs de 2007 répondaient à l'appel et 76 % des péquistes maintenaient leur appui au parti de Mme Marois.

Mario Dumont dit que le premier ministre Charest souhaite le plus faible taux de participation possible, avec ce scrutin le 8 décembre. Or l'enquête de Mme Durand montre plutôt que ceux qui ne vont pas voter sont plus souvent des libéraux - 27 % des gens qui ne sont pas allés voter il y a 18 mois, voteraient PLQ, contre 14 % au PQ et 8 % à l'ADQ.

Mme Durand, qui fait les moyennes des sondages, estime que la situation des trois partis n'a pas bougé depuis avril dernier. Cela ne veut pas dire que cela ne bougera pas, insiste-t-elle. « Prenez les sondages de janvier 2007 ; la distance entre les trois partis était identique à ce qu'on voit aujourd'hui. Ce qui s'est passé alors, c'est une remontée de l'ADQ. La campagne électorale peut changer des choses », estime Mme Durand.

À la dernière campagne, l'ADQ a pris 10 points de pourcentage, passant de 20 à 30 % en trois semaines. En 2003, «cela avait bougé durant les deux dernières semaines. C'est durant les deux dernières semaines que se sont jouées les élections fédérales au Québec en 2006», souligne l'universitaire.