La ministre de l'Emploi et de la Sécurité sociale (MESS), Agnès Maltais, amendera son projet de règlement sur l'aide sociale, du moins en ce qui a trait aux centres de traitement des dépendances: la durée des thérapies pourra s'étendre sur six mois. En revanche, les centres seront désormais soumis à des contrôles beaucoup plus serrés.

Au départ, la ministre avait proposé de limiter à trois mois les thérapies en centre privé dont bénéficient les prestataires d'aide sociale. Elle accepte maintenant un délai de 183 jours, a-t-elle indiqué dans une entrevue à La Presse.

Mais en échange, elle exige un sérieux coup de balai dans ce programme, qui est passé en l'espace de huit ans de 5 à 25 millions de dollars. Le ministère de l'Emploi verse une indemnité quotidienne de 48$ par prestataire hébergé dans l'un des centaines de centres de thérapie privés disséminés au Québec.

Quelque 25 centres n'ont pas reçu la certification, mais le MESS leur verse tout de même des sommes importantes (voir autre texte).

À partir du 30 décembre, le MESS ne fera plus affaire qu'avec les centres dûment certifiés. «C'est la moindre des choses», dit la ministre.

Mais Mme Maltais va plus loin. Elle juge que le processus de certification en place est insuffisant. «Ça prend des inspections. Des inspections-surprises dans tous les centres, certifiés et non certifiés.»

Ces inspections seront réalisées par des spécialistes en toxicomanie relevant du ministère de la Santé, ajoute-t-elle.

De plus, chaque bénéficiaire qui désirera prolonger sa thérapie au-delà de 90 jours devra être évalué par un centre de thérapie public relevant du ministère de la Santé. Même scénario pour les bénéficiaires qui excéderaient les six mois de thérapie.

«Il s'agit de ne plus laisser aller ce programme-là comme on l'a laissé aller. Ça n'a pas de sens de laisser aller les gens sans suivi. La majorité des centres font un bon travail, mais certains sont un problème.»

Actuellement, des médecins sont pourtant tenus de voir régulièrement les patients hébergés dans ces centres pour renouveler l'ordonnance thérapeutique. Règne-t-il une médecine de complaisance dans les centres privés? «Je ne suis pas médecin, je ne peux pas porter de jugement. Mais pour une évaluation en toxicomanie, désormais, je veux des spécialistes», souligne la ministre.

En arrivant au MESS, Mme Maltais a constaté que ce programme, qu'on présentait sous le vocable d'aide au transport, avait très peu de balises. «La seule balise c'était: vous ouvrez un centre, on reçoit la facture et on paye.»

Elle a constaté qu'une centaine de séjours dépassaient les deux ans. «Toujours dans les mêmes centres», note Mme Maltais. Des centres qui, souvent, avaient pourtant reçu leur certification.

Des centres pourraient fermer

Dans cette opération rigueur, certains centres pourraient fermer, convient-elle. «Laisser des gens dans des centres à problème, ce n'est pas les aider. Si ce sont des itinérants qui se déplacent d'un centre à l'autre, il y a des organisations pour les prendre en charge. Avant de fermer un centre, on va s'assurer de prendre en charge les personnes. Ce n'est pas: demain matin, on met la clé sous la porte et on met tout le monde dehors.»

L'avant-projet de règlement de Mme Maltais, publié discrètement dans la Gazette officielle à la fin de février, avait soulevé un tollé dans les groupes de défense des prestataires. Par la suite, la Protectrice du citoyen et la Commission des droits de la personne ont durement critiqué le projet de règlement.

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D'autres modifications à venir?

Agnès Maltais n'exclut pas de faire d'autres modifications à son règlement controversé. Elle se dit particulièrement sensible aux commentaires émis sur les bénéficiaires de 55 ans, qui perdraient pendant trois années le supplément de 129$ sur leur chèque.

«C'est là où je recueille le plus de commentaires et il faut analyser la situation comme il faut, dit-elle. Mon engagement, c'est de n'échapper personne. Peut-on remplir cet engagement? C'est ça qu'il faut voir.»

Mme Maltais veut que les centres locaux d'emploi proposent aux bénéficiaires âgés de s'engager dans un programme de réinsertion dans le but de se dénicher un emploi. Cela leur vaudrait une somme de 195$ par mois.

En revanche, sur l'autre aspect du règlement, celui qui vaudrait aux familles qui ont un enfant de moins de 5 ans de perdre la même allocation de 129$, Mme Maltais note que même la protectrice du citoyen a jugé cette mesure «réaliste». La protectrice a pourtant critiqué les autres aspects du règlement.

«La balance des commentaires m'amène à penser que c'est effectivement réaliste», ajoute-t-elle.

La ministre plaide que cette allocation, qui date de 25 ans, avait un sens à l'époque puisqu'il n'y avait pas de réseau de garderies. «C'était pour qu'un des deux parents garde l'enfant.»