Le nombre de réfugiés a atteint un niveau extrêmement élevé l'année dernière à l'échelle de la planète, alors que le Canada voit pour sa part fondre le nombre de demandeurs d'asile à ses frontières. Une situation imputable en partie aux politiques du gouvernement conservateur, accuse une nouvelle organisation issue de la communauté juive qui espère forcer Ottawa à corriger le tir.

Une nouvelle organisation, qui souhaite renverser les politiques «restrictives» mises en place par le gouvernement fédéral pour limiter le flux de réfugiés au Canada, vient de voir le jour; Le Jewish Refugee Action Network (J-RAN) promet de multiplier les interventions afin de sensibiliser la population à cet enjeu et pousser les partis d'opposition à se mobiliser pour forcer Ottawa à revoir ses façons de faire.

L'ex-diplomate StephenLewis, qui a accepté d'en assumer la présidence honoraire, note qu'il s'agit de l'initiative de membres de la communauté juive devenus très sensibles, par leur histoire, au sort de réfugiés discriminés ou refoulés aux frontières.

«Ça devenait trop douloureux d'observer la situation au Canada et de ne rien faire», a expliqué hier M. Lewis lors d'un entretien téléphonique accordé à La Presse.

L'activiste affirme que le gouvernement Harper ne cesse de s'en prendre à des sous-groupes de la société par «opportunisme politique» et qu'il a franchi un seuil inacceptable en ciblant, de pareille façon, les réfugiés.

«Ce sont des gens qui sont très vulnérables et qui n'ont personne pour les représenter», souligne-t-il.

Des réfugiés «sélectionnés»

Le J-RAN, explique M. Lewis, entend notamment dénoncer l'adoption, par le gouvernement, d'une liste de «pays d'origine désignés» pour lesquels les délais de dépôt de la demande de statut de réfugié sont réduits et les possibilités d'appel, limitées. La restriction d'accès aux soins médicaux est un autre irritant majeur pour l'organisation.

M. Lewis s'inquiète plus particulièrement du sort des réfugiés roms et dénonce à ce titre le discours du ministre de l'Immigration, Jason Kenney, qui ne cesse, selon lui, de stigmatiser gratuitement cette communauté.

«Le ministre de l'Immigration devrait être un homme de coeur et d'intégration», dénonce l'ex-ambassadeur, qui s'inquiète de l'influence du politicien sur les décisions de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR).

L'organisation a rejeté plusieurs demandes de statut de réfugié de Roms provenant de Hongrie en décrivant la situation dans le pays européen d'une manière positive qui ne colle pas à l'évaluation alarmante faite par des organisations de défense des droits de l'homme. Elles dénoncent régulièrement l'attitude du gouvernement hongrois et les actions de milices qui s'en prennent à cette minorité.

«Quand la CISR produit de telles analyses, elle se ridiculise», souligne le président honoraire du J-RAN.

Un autre point de vue

Les critiques de M. Lewis diffèrent radicalement de l'analyse du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, qui décrit le système d'immigration et d'octroi d'asile du Canada comme «l'un des plus généreux qui existent dans le monde».

Le ministre Kenney, a souligné hier le gouvernement dans un courriel, a récemment rappelé que l'identification de «pays d'origine désignés» permettait aux «réfugiés légitimes» de bénéficier plus rapidement de la protection du Canada en écartant les demandes abusives.

Le débat pourrait ultimement rebondir devant les tribunaux puisque le J-RAN n'exclut pas d'intenter des recours pour faire renverser certaines lois ciblant les réfugiés.

M. Lewis note qu'il a lui-même utilisé cette voie dans certains pays pour lutter contre la stigmatisation des homosexuels et des personnes souffrant du VIH.

Bien qu'il convienne que le sort des réfugiés est loin pour l'heure de figurer parmi les priorités des Canadiens, l'ex-ambassadeur souhaite que la population se mobilise en prenant la mesure de la situation.

Il pense que le gouvernement conservateur, en difficulté dans les sondages, n'aura d'autre choix, à terme, que de prêter l'oreille et de rectifier le tir.