Le gouvernement canadien, qui dit être accusé sans raison par des «groupes gauchistes» liés au Nouveau Parti démocratique (NPD), se voit reprocher de bloquer des projets de réforme avancés dans le cadre du sommet du G8 pour lutter contre l'évasion fiscale.

Des organisations non gouvernementales qui suivent de près les pourparlers menés en prévision de la rencontre de la semaine prochaine, en Irlande, affirment qu'Ottawa s'oppose notamment à l'introduction d'une mesure visant à identifier les propriétaires effectifs de comptes bancaires offshore et des sociétés-écrans souvent utilisées pour les contrôler.

Le président de l'organisation Canadiens pour une fiscalité équitable, Dennis Howlett, affirme que le blocage émane du ministère des Finances.

L'attitude du gouvernement s'expliquerait, selon lui, par le fait que le pays dispose actuellement d'un régime laxiste en matière de création d'entreprises qui devrait être sensiblement réformé advenant l'adoption de la mesure proposée.

«Le Canada ne se conforme pas à la norme qui est en voie d'être proposée. Il est très facile ici de créer une compagnie à numéro sans identifier clairement qui en sont les propriétaires effectifs», indique le porte-parole.

Le Groupe d'action financière (Gafi), une organisation intergouvernementale qui lutte contre les mesures susceptibles de porter atteinte à l'intégrité du système financier international, avait critiqué en 2008 le manque de transparence dans le processus de création d'entreprises. Des réformes ont été adoptées par la suite.

Selon M. Howlett, Ottawa s'oppose également à l'introduction d'une mesure de partage automatique d'informations qui forcerait les États à signaler automatiquement tout compte bancaire appartenant à un ressortissant étranger au pays concerné.

Une telle information pourrait faciliter, dit-il, les demandes de collaboration fiscales entre pays, qui sont souvent conditionnelles à l'obtention de renseignements très précis sur une personne ou une entreprise donnée.

Des milliers d'appuis

Canadiens pour une fiscalité équitable, de concert avec une autre organisation, Avaaz, a lancé une campagne pour faire pression sur le premier ministre Stephen Harper, qui se trouve déjà en Europe. Selon M. Howlett, plus de 20 000 personnes ont acheminé des courriels à Ottawa pour appuyer les réformes envisagées.

Le NPD se montre aussi critique du gouvernement. Son porte-parole en matière d'affaires étrangères, Paul Dewar, a affirmé hier que le premier ministre Harper devrait «cesser de faire obstacle aux efforts multilatéraux» en cours afin d'améliorer la mise en application des lois fiscales.

«Au lieu de jouer un rôle de leader, les conservateurs sont en train de devenir un obstacle dans la lutte contre les paradis fiscaux. Les Canadiens méritent mieux», indique la formation.

Oxfam Canada s'inquiète des allégations de blocage ciblant Ottawa. «Il n'y aurait aucune excuse pour le Canada de ne pas soutenir les réformes fiscales proposées» dans le cadre du G8, indique son directeur général, Robert Fox.

Les pratiques d'évasion fiscale des entreprises privent à elles seules les pays en développement de 160 milliards de dollars par année qui s'ajoutent aux dizaines de milliards cachés par de riches particuliers, déplore-t-il.

Ottawa se défend

Le gouvernement fédéral a assuré hier qu'il combattait activement l'évasion fiscale et avait adopté plus de 75 mesures depuis 2006 pour protéger «l'intégrité» du régime en place au pays tout en créant une équipe dédiée d'enquêteurs pour retrouver les personnes cachant des fonds à l'étranger.

Le Canada, fait valoir le ministère des Finances, s'est aussi engagé à soutenir pleinement une plateforme de réformes promise par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour mettre fin aux pratiques d'évasion fiscale des entreprises et est bien conscient des problèmes posés par l'usage d'entreprises illicites.

«Les faits sont clairs: le Canada soutient les efforts déployés par le premier ministre Cameron pour arriver au G8 à un consensus sur les abris fiscaux et l'évasion fiscale», affirme Ottawa.