Six mois seulement après sa nomination au Sénat par Stephen Harper, le sénateur Mike Duffy réclamait une forme de compensation pour les efforts qu'il déployait d'un bout à l'autre du pays pour faire la promotion du Parti conservateur.

Des échanges de courriels obtenus par le réseau CBC jeudi montrent que M. Duffy a évoqué l'idée d'obtenir un poste de ministre sans responsabilités particulières afin de profiter d'avantages tels qu'un chauffeur et un budget pour embaucher du personnel.

M. Duffy croyait bon de soulever cette idée avec la leader du gouvernement au Sénat, Marjory LeBreton, ou même avec le premier ministre lui-même.

Son interlocuteur conservateur, dont l'identité n'a pas été révélée, lui a conseillé cinq heures plus tard d'aborder cette question seulement avec le sénateur conservateur Irving Gerstein, l'ancien président du Fonds conservateur, et de laisser le moins de traces possible.

Ce même interlocuteur a suggéré que l'on puise à même ce fonds du Parti conservateur pour payer ses frais de déplacement, plutôt que de refiler les factures aux autorités du Sénat.

« Assure-toi de garder cela à l'extérieur de ta compagnie et de ton bureau du Sénat parce que cela pourrait te causer des problèmes plus tard «, a-t-il écrit.

Le bureau de Mme LeBreton a indiqué hier que c'était la première fois qu'elle entendait parler de cette histoire et qu'il n'y avait jamais eu de rencontre.

« Plus respectueuse »

Ces courriels jettent un nouvel éclairage sur l'affaire Duffy, qui ébranle le gouvernement Harper depuis quelques semaines.

M. Duffy a démissionné du caucus conservateur, il y a deux semaines, dans la foulée de la controverse entourant ses réclamations de dépenses. Il a empoché indûment près de 90 000 $ en allocation de logement même si sa résidence principale est située dans la région de la capitale nationale. Cette controverse a aussi forcé le chef de cabinet de Stephen Harper, Nigel Wright, à démissionner après qu'il eut été révélé qu'il avait signé un chèque personnel de 90 000 $ afin d'aider M. Duffy à rembourser les contribuables.

La GRC se penche sur les réclamations de M. Duffy et les agissements de Nigel Wright pour déterminer si une enquête policière est nécessaire.

Cette controverse crée un important malaise au sein des troupes conservatrices, a confié un député albertain, hier. Brent Rathberger a fait partie de la fronde des députés d'arrière-ban voulant s'affranchir du contrôle du bureau du premier ministre. « Je crois que c'est ce qui arrive lorsqu'il y a une séparation inadéquate entre les pouvoirs exécutif et législatif au gouvernement «, a-t-il dit.

« J'espère que pour l'avenir, la branche exécutive aura tiré des leçons de cela et sera un peu plus respectueuse «, a-t-il ajouté.

Réclamations en période électorale

Un rapport du Service des finances du Sénat remis à un comité parlementaire plus tôt cette semaine a également conclu que M. Duffy a réclamé des indemnités quotidiennes liées à son travail au Sénat à Ottawa à 49 reprises d'avril 2011 à mars 2012, alors qu'il n'était pas dans la capitale nationale. Une demi-douzaine de ces réclamations ont été soumises durant la dernière campagne électorale fédérale, dans laquelle le sénateur a joué un rôle actif.

L'ancien journaliste de CTV et CBC n'est pas le seul à avoir soumis des notes de frais salées au Sénat durant le trimestre du printemps 2011, alors que le Parlement n'a siégé qu'un mois sur trois en raison de cette campagne électorale. La Presse a révélé hier que l'ex-sénateur conservateur de l'Alberta et tête d'affiche du gouvernement Harper pour ce qui est de la réforme du Sénat, Bert Brown, a réclamé 43 000 $ en frais de transport durant cette période, soit la somme la plus élevée de tous les rapports de dépenses qu'il a soumis à l'administration du Sénat.

À la Chambre des communes, hier, le NPD s'est élevé contre ce stratagème, décelé dans les rapports de dépenses d'autres sénateurs conservateurs et libéraux.

« Les Canadiens ont appris que Mike Duffy a utilisé l'argent des contribuables pendant qu'il faisait campagne pour le Parti conservateur en 2011, mais il n'était pas le seul. Des 15 sénateurs qui ont le plus dépensé durant la période électorale, il y avait 5 conservateurs et 10 libéraux. Ce sont des sommes extraordinaires dont nous parlons ici «, a lancé le critique du NPD en matière d'éthique, Charlie Angus.

Le ministre du Patrimoine, James Moore, a soutenu que les dépenses des sénateurs doivent être liées à leurs fonctions. Il a affirmé que le Parti conservateur a payé à même sa caisse électorale les coûts de la dernière campagne.