L'élection du Parti libéral de la Colombie-Britannique mardi a surpris tout le monde, à commencer par les sondeurs. Des pipelines aux relations fédérales, en passant par l'arrivée du premier député du Parti vert à l'Assemblée législative de la province, que signifient les résultats?

Les sondeurs font de l'introspection

La question qui était sur toutes les lèvres, hier, après la victoire-surprise du Parti libéral en Colombie-Britannique: comment les sondeurs ont-ils pu autant se tromper? Les enquêtes d'opinion donnaient une avance allant d'une dizaine à une vingtaine de points au NPD depuis presque deux ans. Les libéraux se sont finalement sauvés avec la victoire, récoltant 44% des voix et 50 des 85 sièges de l'Assemblée législative, contre 39% et 33 sièges pour les néo-démocrates. Chez les sondeurs, l'introspection a déjà commencé, d'autant plus qu'une situation similaire s'est produite l'an dernier en Alberta. Plusieurs hypothèses ont été avancées: le taux de participation d'environ 52% a pu fausser les prédictions; une portion importante d'indécis se sont décidés à la dernière minute; ou des électeurs se sont bouché le nez pour voter pour les libéraux, malgré leur désir de changement après 12 années au pouvoir.

Les pipelines dans la ligne de mire

Les pipelines projetés Northern Gateway et Kinder Morgan sont très contestés en Colombie-Britannique, et ces projets se sont trouvés au coeur de la campagne électorale. Or, la victoire inattendue de Christy Clark pourrait constituer un coup de pouce pour l'industrie pétrolière albertaine, qui cherche désespérément à expédier le bitume dérivé des sables bitumineux vers l'Asie. «La construction d'oléoducs est davantage ouverte à la discussion avec les libéraux au pouvoir qu'elle l'aurait été avec le NPD», résume Bob Schultz, professeur à la Haskayne School of Business, à l'Université de Calgary. Mais le débat n'est pas terminé pour autant: Mme Clark a déjà posé cinq conditions à la réalisation du projet Northern Gateway. La plus controversée prévoit que l'Alberta verserait des redevances à la Colombie-Britannique. Un précédent que redoute au plus haut point le gouvernement albertain.

Une première ministre sans siège

La victoire de Christy Clark mardi a marqué une première à au moins deux égards: c'est la première fois qu'une femme était élue première ministre de la Colombie-Britannique et c'est aussi la première fois depuis 1924 qu'une chef dont le parti forme le gouvernement n'était pas élue dans sa propre circonscription. Comme Robert Bourassa au Québec en 1985, Mme Clark devra compter sur un député de sa formation pour lui céder sa place et tenter d'être élue dans une circonscription plus sûre. «Nous n'avons même pas encore les résultats finaux du vote, donc nous verrons ce qui arrivera après. Nous aurons alors le temps d'avoir ce genre de discussions. Mais je n'en ai eu aucune encore», a-t-elle déclaré hier en point de presse. Cinq des 10 provinces canadiennes demeurent donc dirigées par une femme, en plus du territoire du Nunavut.

Une giffle pour le NPD

Thomas Mulcair s'active à présenter le Nouveau Parti démocratique comme un gouvernement en attente. La victoire d'Adrian Dix devait lui servir de vitrine, une occasion de démontrer que la formation de centre gauche peut tenir les rênes d'une province majeure de manière responsable. Mais la victoire prédite par tous les sondages depuis des mois n'a jamais eu lieu, un résultat qui laisse les néo-démocrates incrédules. Plusieurs députés et employés du NPD avaient prêté main-forte à la campagne de M. Dix. «La machine du NPD sur le terrain n'a clairement pas fait le travail, a résumé un stratège néo-démocrate. Quand tu pars avec une avance dans les sondages, en théorie, tu devrais être en mesure d'identifier ton vote.» Sur une note positive, on souligne que le NPD a obtenu 39% des votes, un appui significatif à la marque néo-démocrate dans la province.

Des relations fédérales en dents de scie

Les relations en dents de scie entre la Colombie-Britannique et Ottawa ou l'Alberta vont-elles s'améliorer? Plusieurs dossiers épineux demeurent, dont celui des oléoducs. Les récentes déclarations de Christy Clark, selon qui sa province n'a «pas besoin du gouvernement fédéral et [...] pas besoin de l'Alberta» pour développer le gaz naturel de sa province, ne sont pas non plus encourageantes pour ses partenaires. Par contre, Stephen Harper peut se consoler en se disant que ces élections ont maintenu au pouvoir des alliés plus naturels que le NPD pour son gouvernement conservateur. «Je la félicite sincèrement [et] je me réjouis à l'idée de continuer à travailler avec la première ministre», a déclaré le premier ministre canadien mardi après la victoire de Mme Clark. Une réaction relativement plus cordiale que d'autres: «J'aimerais féliciter Pauline Marois, avait par exemple déclaré M. Harper en septembre. Nous continuerons de travailler avec le gouvernement du Québec sur nos objectifs communs.»

Le vote vert prend de l'ampleur

Le Parti vert a obtenu un score historique, mardi soir, et fait élire le premier député provincial de son histoire. Andrew Weaver, climatologue de renommée mondiale, représentera la formation à l'Assemblée législative. La Colombie-Britannique est un terreau fertile pour les verts. Leur score de 8% mardi soir survient deux ans après l'élection de la chef fédérale Elizabeth May dans cette même province. «C'est un résultat qui rend très clair le fait que je ne suis pas seule, comme verte, à être capable de remporter une victoire électorale, a indiqué Mme May en entrevue. Maintenant nous sommes deux et c'est seulement le début du changement en politique canadienne.» Plusieurs observateurs soulignent que la performance des verts a contribué à diviser le vote d'opposition, ce qui a permis à Christy Clark d'obtenir une victoire inattendue. Les deux partis de gauche ont récolté un total de 50 000 votes de plus que les libéraux.