Le gouvernement Harper semble avoir écarté la possibilité d'accueillir un sommet de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (APEC) jusqu'à au moins 2022, en dépit des recommandations de sa fonction publique.

Dans une note d'information obtenue par La Presse, le sous-ministre des Affaires étrangères, Morris Rosenberg, a recommandé à son ministre John Baird de manifester son intérêt pour tenir ce sommet au Canada à la prochaine occasion, qui se présentera dans quatre ans, ou peu de temps après.

M. Rosenberg a fait valoir que le dernier (et seul) sommet de l'APEC tenu au Canada remontait à 1997. «En 2017, ça ferait 20 ans que le Canada a été l'hôte d'un sommet. À cette date, 10 des 19 économies susceptibles de l'accueillir l'auront fait à deux reprises», a-t-il écrit il y a quelques mois dans un document classé «secret» et obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

«Il y a une forte impression au sein des économies de l'APEC que c'est au tour du Canada d'être l'hôte en 2017 ou peu de temps après», a précisé le haut fonctionnaire.

Dans ce contexte, le numéro deux de la diplomatie canadienne a présenté 2017 comme un choix stratégique important pour le Canada. «Être l'hôte en 2017 renforcerait notre engagement envers l'APEC et la région de l'Asie-Pacifique dans son ensemble, a plaidé le sous-ministre. En tant que président, le Canada pourrait établir l'ordre du jour de l'APEC.»

M. Rosenberg a renchéri en disant que 2017 pourrait devenir «l'année canadienne de l'Asie-Pacifique» et que l'évènement coïnciderait avec le 150e anniversaire de la Confédération.

Pris de vitesse?

Cette note d'information confidentielle a été rédigée en vue du dernier sommet de l'APEC, qui s'est tenu en Russie en septembre dernier. Le sous-ministre a recommandé que les représentants canadiens y expriment leur intérêt pour accueillir ce sommet prochainement, sans nécessairement s'engager pour une année précise.

Or, peu avant cette rencontre, le Vietnam avait manifesté son intérêt pour 2017. D'autres pays ont aussi signalé le leur pour des sommets dont la tenue va jusqu'à 2022 - soit 25 ans après celui de Vancouver.

Ces candidatures pourraient être entérinées au prochain sommet en Indonésie, en octobre. Et tout indique qu'Ottawa a choisi de ne pas faire de vagues.

«Le Canada est heureux que des hôtes aient été identifiés jusqu'à 2022. Le Canada ne s'oppose pas à ce que le Vietnam exprime son intérêt pour servir d'hôte en 2017», a déclaré une source au ministère des Affaires étrangères.

Cette source a affirmé que le Canada n'avait pas fait connaître son intérêt lors du sommet de Vladivostok parce que le Vietnam avait déjà exprimé ce souhait et qu'on n'avait tout simplement pas ressenti le besoin de s'y opposer.

Hugh Stephens, cadre en résidence à la Fondation Asie-Pacifique du Canada, estime que le gouvernement a tout de même raté une belle occasion de solidifier ses liens commerciaux avec l'Asie. La Fondation a rendu un rapport public l'an dernier, dans lequel elle a recommandé entre autres de se servir d'institutions communes comme l'APEC pour approfondir ces liens.

«Je ne peux que spéculer, mais l'expérience récente du Canada en tant que pays hôte du G20 et du G8 n'a pas tout à fait couvert qui que ce soit de gloire, a tenté d'expliquer M. Stephens. Ces évènements ont des coûts financiers, politiques, sécuritaires... Peut-être qu'à ce stade-ci, ils ont préféré attendre un peu?»

Ce n'est pas la première fois que la réticence du gouvernement canadien à s'impliquer dans des forums internationaux est ainsi montrée du doigt: la semaine dernière, Ottawa s'est attiré des critiques pour avoir décidé de ne pas convoiter de siège au Conseil de sécurité des Nations unies.