Alors que le gouvernement Harper subit les critiques du vérificateur général pour son incapacité à recouvrer les prestations d'assurance-emploi versées en trop ou frauduleuses, des documents obtenus par La Presse révèlent que le nombre d'enquêteurs affectés à cette tâche a chuté presque de moitié au cours des dernières années.

On comptait 760 enquêteurs fédéraux travaillant sur le programme d'assurance-emploi en 2004-2005, selon un document obtenu par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Ce nombre a fondu à 460 en 2012-2013. Le nombre d'enquêteurs a baissé encore davantage au Québec et dans les provinces atlantiques (voir tableau).

Le ministère des Ressources humaines explique la réduction de son personnel d'enquête par un recours accru à la détection automatisée des paiements irréguliers.

« Avec l'automatisation croissante des programmes tels que l'assurance-emploi, la sécurité de la vieillesse et le Régime des pensions, les prestations irrégulières qui requièrent un suivi plus approfondi sont plus faciles à identifier, a fait savoir le Ministère dans un court courriel écrit en anglais. Résultat, nos ressources peuvent maintenant être mieux concentrées sur l'enquête et l'intervention au lieu de la révision de documents. »

Le Ministère fait valoir que près d'un demi-milliard de dollars en paiements inadmissibles ont été détectés et stoppés par Service Canada.

Suivi inadéquat

Mais voilà, le vérificateur général reproche à ce même ministère de ne pas assurer un suivi adéquat de ce problème. Michael Ferguson y consacre d'ailleurs un chapitre entier dans son rapport annuel, rendu public mardi.

Le vérificateur note que les sommes payées en trop par l'assurance-emploi et qui sont dues à l'État totalisaient 662 millions en mars dernier. Pourtant, le nombre de cas de prestations irrégulières en attente d'une enquête s'élève à près de 400 000. Résultat : des « dizaines de millions » sont payées en trop par régime d'assurance-emploi.

« Nous pensons que le Ministère pourrait recouvrer chaque année, de manière financièrement avantageuse, des dizaines de millions de dollars de plus au titre des paiements versés en trop, s'il améliorait ses analyses et sa compréhension des paiements versés en trop et déterminait la meilleure façon de les détecter et de les recouvrer », conclut M. Ferguson.

Embaucher davantage

L'Alliance de la fonction publique du Canada, qui représente plusieurs enquêteurs de l'assurance-emploi, estime que les coupes de personnel ont un impact direct sur la capacité du Ministère à recouvrer les sommes qui lui sont dues. Son vice-président, Steve McCuaig, estime qu'il faut embaucher davantage de personnel.

« Ce n'est pas pour dire que nos membres font nécessairement des erreurs. Mais si on vous demande de prendre une charge de travail trop grande, c'est certain qu'il va y avoir des erreurs. », a estimé M. McCuaig.

Le recours à la surveillance par les enquêteurs fédéraux cherchant à débusquer des prestations irrégulières d'assurance-emploi a été vivement critiqué au cours des dernières semaines. La ministre des Ressources humaines a aussi été placée sur la défensive lorsqu'elle a dû admettre qu'Ottawa impose des « objectifs de rendement » à ses enquêteurs, peu après avoir nié l'existence de « quotas ».

- Avec la collaboration de William Leclerc