Le gouvernement Harper évite de sortir de nouveau la hache pour rétablir l'équilibre budgétaire d'ici deux ans. Il mise d'abord et avant tout sur la lutte à l'évasion fiscale, une refonte des programmes de formation de la main-d'oeuvre et le renouvellement à long terme d'un plan pour retaper les infrastructures au pays pour mettre fin à l'encre rouge à Ottawa.

Tandis que l'économie canadienne montre des signes de ralentissement, le ministre des Finances Jim Flaherty a jeté son dévolu sur des investissements modestes mais ciblés dans son huitième budget, présenté jeudi, au lieu d'annoncer de nouvelles compressions qui auraient pu freiner davantage la croissance.

Et tel qu'il s'y est engagé, M. Flaherty compte éliminer le déficit sans couper dans les transferts aux provinces et sans augmenter les impôts des contribuables.

Mais l'intention du ministre de modifier les programmes de formation de la main-d'oeuvre en 2014-2015 risque de provoquer un affrontement majeur avec le Québec.

Pour accélérer la formation de la main-d'oeuvre, Ottawa annonce la création de la subvention canadienne pour l'emploi, dans le but de jumeler les Canadiens et les emplois disponibles dans les secteurs où il existe une grave pénurie de main-d'oeuvre.

Le gouvernement Harper veut que cette subvention, qui pourrait atteindre 5000 $ par travailleur, voie le jour dès 2014-2015 et que les provinces et les employeurs versent aussi une somme équivalente. Cette subvention serait puisée à même l'enveloppe de 500 millions de dollars versée annuellement aux provinces depuis 2008 pour la formation de la main-d'oeuvre en vertu des ententes sur le marché du travail. Ces ententes prennent fin en mars 2014.

Quelque 130 000 Canadiens sans emploi pourraient profiter de cette nouvelle subvention chaque année. « Au Canada, trop d'emplois sont vacants parce que les employeurs ne trouvent pas les travailleurs qui ont les compétences requises. Et pendant ce temps, il y a encore trop de Canadiens qui cherchent un emploi », a noté le ministre Flaherty dans son discours aux Communes.

Ottawa souhaite aussi utiliser les 1,95 milliard de dollars provenant du compte de l'assurance-emploi et transférés aux provinces pour la formation des travailleurs, selon une formule comparable, pour obtenir une plus grande participation du secteur privé dans la formation. Mais en 1997, Québec a conclu une entente avec Ottawa qui lui octroie les pouvoirs en matière de formation de la main-d'oeuvre et les fonds requis.

Répondant à une demande de la Fédération canadienne des municipalités, le ministre Flaherty renouvelle pour une durée de 10 ans les divers programmes pour construire et retaper les infrastructures. En tout, Ottawa prévoit investir 53 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie.

Selon les projections du ministre des Finances, le déficit devrait atteindre 18,7 milliards de dollars en 2013-2014 et 6,6 milliards en 2014-2015. Le retour à l'équilibre budgétaire en 2015-2016 sera marqué par un surplus de 800 millions de dollars.

Pour éliminer le déficit, M. Flaherty table sur les compressions annuelles de 5,2 milliards annoncées dans le dernier budget et sur une nouvelle réduction des dépenses de fonction de l'État de 130 millions de dollars cette année, en réduisant notamment les frais de déplacement, en privilégiant l'édition électronique et en éliminant le plus possible l'impression des documents.

La lutte à l'évasion fiscale devrait rapporter au fisc quelque 4,3 milliards de dollars au cours des six prochaines années. En tout, quelque 24 mesures seront adoptées pour débusquer les fraudeurs. L'une d'entre elles permettra de verser aux délateurs une partie des impôts recouvrés grâce aux informations qu'ils relaieront à l'Agence du revenu du Canada.

Comme ce fut le cas dans le passé, les surplus de la caisse de l'assurance-emploi aideront Ottawa dans sa lutte contre les déficits. Les surplus de la caisse seront de 3,6 milliards en 2013-2014, 4,6 milliards en 2014-2015 et 5,5 milliards en 2015-2016, date de retour à l'équilibre.

Le gouvernement Harper a aussi l'intention de donner un coup de pouce au secteur manufacturier, qui a grandement souffert depuis la crise de 2008.

Ainsi, le ministre prolonge pour deux autres années la déduction temporaire pour amortissement accéléré applicable aux nouveaux investissements dans les machines et le matériel. Cette mesure, très populaire auprès des entreprises, coûtera au fisc 1,4 milliard de dollars sur quatre ans.