Certains chômeurs devront accepter n'importe quel emploi à moins d'une heure de route de chez eux s'ils veulent rester admissibles aux prestations d'assurance emploi.

Le gouvernement Harper a présenté aujourd'hui jeudi les détails de la réforme qu'il avait annoncée dans son budget de mars dernier. Le gros des changements touche la définition de ce qu'est un «emploi convenable», c'est-à-dire un emploi qu'un bénéficiaire ne peut refuser sous peine de perdre son droit aux prestations.

Les prestataires de l'assurance emploi seront dorénavant répartis en trois catégories: les travailleurs de longue date, qui n'ont pas reçu plus de 35 semaines de prestation dans les 5 années précédant une réclamation; les prestataires fréquents, qui ont touché au moins 60 semaines au cours des 5 dernières années; et les prestataires occasionnels, qui regroupent tous les autres. Cette dernière catégorie représente près de 60% de tous les prestataires.

Selon les nouvelles règles, le «prestataire fréquent» devra accepter «tout travail» pour lequel il est qualifié, à 70% de la rémunération précédente, après six semaines de prestations, ce qui inclut les deux semaines du délai de carence initial.

Après la même période, soit un mois et demi, les prestataires occasionnels devront quant à eux accepter un emploi «similaire» à 80% de la rémunération précédente. Ils devront accepter «tout emploi» à 70 % de leur rémunération antérieure à partir de 18 semaines.

Les travailleurs de longue date pourront attendre jusqu'à la 18e semaine (quatre mois et demi) pour devoir eux aussi accepter un emploi «similaire» à 80% du salaire précédent. Ils pourront auparavant chercher le «même emploi», à 90% de la rémunération précédente.

La notion de travail «similaire» sera définie par des spécialistes au Ministère, ont expliqué de hauts fonctionnaires lors d'une séance d'information jeudi matin.

Quatre autres critères seront ajoutés à la Loi sur l'assurance emploi pour déterminer ce qu'est un emploi convenable: les circonstances personnelles (état de santé, situation familiale); les conditions de travail (conflit de travail); les heures de travail et le temps de déplacement (on parle d'un «lieu de travail à moins d'une heure de déplacement»).

«Ces changements ne visent pas à forcer les gens à accepter un travail loin de chez eux ou à prendre un travail pour lequel ils ne sont pas qualifiés. En fait, nous clarifions simplement ce qu'est un emploi convenable», a déclaré la ministre fédérale des Ressources humaines, Diane Finley, lors d'un point de presse.

Elle a ajouté que personne ne serait forcé d'accepter un emploi qui lui rapporterait moins de 70% de son salaire antérieur.

À l'heure actuelle, la Loi sur l'assurance emploi prévoit un «délai raisonnable» pendant lequel un chômeur peut chercher un emploi dans son domaine à des conditions et à une rémunération moindres. Au-delà de cette période, il doit élargir ses recherches à d'autres domaines, mais à des conditions ou une rémunération relativement semblables.

Le régime d'assurance emploi prévoit des prestations équivalant à 55% du salaire que gagnaient le prestataire dans son dernier emploi, jusqu'à concurrence de 485$ par semaine, pendant une période variant de 14 à 45 semaines. Pour y avoir droit, les Canadiens doivent avoir travaillé de 420 à 700 heures durant la «période de référence», selon de la région où ils habitent.  

«Guerre aux travailleurs saisonniers»

Le porte-parole du Conseil national des chômeurs, Pierre Céré, dénonce ces changements: «C'est ahurissant. C'est une déclaration de guerre aux travailleurs saisonniers, qui font 27,3 % des demandes d'assurance emploi au Canada.»

Le porte-parole a souligné que le Québec n'est pas épargné, au contraire: 34 % des demandes de prestations en proviennent. «C'est une attaque frontale», a déploré M. Céré.

«On crée deux catégories de chômeurs: les bons chômeurs et les mauvais chômeurs», a-t-il conclu.

La députée du Nouveau parti démocratique Peggy Nash s'est quant à elle inquiétée du caractère arbitraire de ces changements. C'est le vaste projet de loi de mise en oeuvre du budget qui a aboli la définition actuelle d'«emploi convenable». Or, ce projet de loi de plus de 400 pages, qui modifie quelque 70 lois existantes, laisse à la ministre la possibilité de créer de nouveaux paramètres par voie réglementaire. Ainsi, selon le NPD, rien n'empêchera la ministre Finley de changer les règles aussi souvent qu'elle le voudra.

Parmi les autres mesures annoncées jeudi, on compte obliger les chômeurs à conserver un «journal de leurs activités de recherche d'emploi» pour démontrer qu'ils sont actifs.

Le gouvernement entend aussi mieux arrimer le régime d'assurance emploi au Programme des travailleurs étrangers temporaires, qui permet d'embaucher des travailleurs immigrés de manière ponctuelle dans des secteurs comme les fermes maraîchères. Ottawa veut que les Canadiens «connaissent les emplois disponibles dans leur région et qu'ils puissent postuler avant que les employeurs soient autorisés à recourir aux services de travailleurs étrangers», peut-on lire dans le communiqué de presse.