Après s’être relevée d’un combat contre un cancer du sein, elle a rallié plusieurs grands hôpitaux du Québec autour d’une même cause : l’amélioration de la recherche sur la maladie qui aurait pu lui coûter la vie. Susan McPeak est notre personnalité de la semaine.

Le 13 août 2001, Susan McPeak a reçu un diagnostic de cancer du sein métastatique. Chances de survie : 40 %. Son médecin traitant, Jacques Cantin, lui a offert de participer à un protocole de recherche clinique au CHUM. Une chance inouïe qui a changé sa vie. Et qui lui a donné l’envie de changer celle de milliers d’autres femmes.

Notre personnalité de la semaine a réalisé l’impossible (ou presque) : réunir six grands hôpitaux (CHUM, CUSM, hôpital Maisonneuve-Rosemont, Hôpital général juif, CHU de Québec et CHUS) qui sont, habituellement, des concurrents dans le domaine de la recherche, pour former une seule équipe.

Le but ? Améliorer la recherche sur le cancer du sein au Québec et permettre à un plus grand nombre de patientes de participer à des essais cliniques.

N’allez pas croire que cela a été facile. Susan McPeak a mis huit longues années (dont « cinq ans à fond ») pour convaincre le monde médical du bien-fondé de son projet.

« J’ai rencontré les recteurs de toutes les universités et tous les chercheurs pour comprendre comment ça fonctionne. Puis j’ai rencontré tous les directeurs généraux et tous les membres des conseils d’administration des grands hôpitaux, individuellement et ensemble. »

Au début, peu de gens croyaient en ses chances de succès, à part son mari, l’homme d’affaires Charles Sirois.

« On me disait que c’était impossible, infaisable », rappelle-t-elle.

C’était mal la connaître. Susan McPeak ne « lâche pas facilement le morceau ». Enfant unique, née d’un père irlandais et d’une mère québécoise francophone, elle a grandi dans le Plateau Mont-Royal et travaillé un peu partout sur la planète en développement des affaires et en marketing. Elle est très déterminée. « Tête dure ». Résiliente. Et solidaire.

Je me disais : pourquoi les femmes atteintes du cancer n’ont-elles pas accès à ces protocoles de recherche pour augmenter leurs chances de survie ? Moi, si je n’y avais pas eu droit, je ne serais plus là. C’est ça qui m’a motivée.

Susan McPeak

« Rien de pareil »

En cours de route, Mme McPeak a découvert que les hôpitaux ne fonctionnaient pas tous de la même façon et qu’ils ne facturaient pas les mêmes frais pour les mêmes examens. L’un facture, par exemple, 1000 $ pour un « PET scan » (tomographie par émission de positrons, ou TEP, en français). Un autre, 1500 $. Et un troisième, 600 $, dit-elle. « Les comités d’éthique, les comités d’analyse, la façon de conserver les médicaments, il n’y a rien de pareil d’un hôpital à l’autre. »

Pour parvenir à ses fins, il lui a donc fallu convaincre les chercheurs que le projet valait le coup, mais aussi les directions qu’il fallait harmoniser leurs processus et leurs tarifs.

Mais une chose était claire dans son esprit : pas question de demander l’aide du gouvernement. Mme McPeak voulait faire les choses à sa manière. Pourquoi ? Pour donner à son rêve toutes les chances de réussite. Aujourd’hui, non seulement le projet est réalisé, mais il est reconnu.

Ça fonctionne parce que c’est privé et qu’on a réuni tous les acteurs intéressés. Je ne voulais absolument pas être impliquée de près ou de loin avec le gouvernement. Jamais.

Susan McPeak

Groupe McPeak-Sirois

Elle et son mari ont investi 2,5 millions pour créer le Groupe McPeak-Sirois, organisme de bienfaisance. La Fondation du cancer du sein du Québec a ajouté une autre tranche de 2,5 millions pour rendre la recherche clinique en cancer du sein accessible en région. L’objectif est d’accroître au cours des prochaines années le nombre de centres hospitaliers participant à des protocoles de recherche au bénéfice des patientes qui habitent hors des grands centres urbains. Les hôpitaux de Rimouski, Chicoutimi et Trois-Rivières devraient s’ajouter sous peu « pour amener la recherche à la patiente ».

Comment fonctionne le Groupe McPeak-Sirois ?

« On n’agit pas comme une fondation. On ne donne pas d’argent aux chercheurs. On ne favorise personne. Nous, on opère », précise Mme McPeak, qui a formé un conseil d’administration et recruté une petite équipe de trois personnes, dont la Dre Dominique Johnson, sa directrice générale, pour gérer le Groupe. Ce dernier reçoit les contrats de recherche clinique dans le domaine du cancer du sein d’un peu partout dans le monde, les traduit au besoin, et les distribue à tous les hôpitaux québécois intéressés.

« On vient d’être reconnu comme le meilleur centre de recrutement pour les études. C’est extraordinaire, ce qui nous arrive. C’est au-delà de nos attentes. On a plus de 150 femmes qui suivent des protocoles, 30 partenaires et une quinzaine d’études actives », se félicite Susan McPeak, qui a une autre raison de se réjouir. Cette adepte du yoga a appris récemment qu’elle était en rémission complète de son cancer.

« Ça, c’est la grosse nouvelle. J’ai un sein en moins, un poumon en moins et quelques petits bobos, mais je suis là. Je suis très en vie et je vais très bien. Je me lève le matin et je suis juste contente de me lever. »

À 66 ans, songe-t-elle à passer le relais ?

« Moi, je ne vois jamais de fin, répond-elle. Je ne veux pas planifier. Même quand je subissais des traitements, je m’y refusais. L’important, c’est de se respecter et d’avoir confiance. »

Susan McPeak en quelques choix

Un livre

Le pouvoir du moment présent, d’Eckhart Tolle. « J’ai appris, durant la maladie, qu’on devient anxieux si on pense au passé. »

Un film

Le déclin de l’empire américain, de Denys Arcand

Un personnage historique

Christophe Colomb. « Il était très déterminé. Il savait ce qu’il voulait. »

Un personnage contemporain

Jean Paul Riopelle. « Il a laissé sa marque. »

Une phrase

« Tu n’es pas seul. »

Une cause

La lutte contre le cancer du sein. « La recherche qui soigne, c’est les meilleures pratiques. »