À sa naissance, les médecins ont diagnostiqué chez lui un type de paralysie cérébrale. Cela n’a toutefois pas mis un terme aux rêves du culturiste et du joueur de basketball en devenir, qui inspire un nombre grandissant d’internautes sur les réseaux sociaux. Woody Belfort est notre personnalité de la semaine.

« Est-ce qu’il pourrait y avoir comme deux paragraphes sur le métro dans l’article, s’il vous plaît ? », lance Woody Belfort, avec son sourire contagieux. « Trois ? »

Nous sommes assis à la cafétéria du Pro Gym où notre personnalité de la semaine, un culturiste et joueur de basket, s’entraîne quotidiennement. Et si cet homme et athlète d’exception veut me convaincre d’écrire longuement sur les graves problèmes d’accessibilité au métro que doivent gérer les personnes à mobilité réduite, moi, j’essaie en vain de le convaincre de me tutoyer. Il a 22 ans. C’est difficile. De toute évidence, sa mère lui a bien appris le respect du « vous ». 

Ça, et un million de choses cruciales, comme l’importance du respect de soi et le refus des barrières que la vie nous impose ou encore celles que l’on s’impose.

Woody Belfort est né avec un type de paralysie cérébrale appelé diplégie spastique. Ses muscles ne font pas toujours exactement ce qu’il veut. Il peut marcher, mais ses mouvements manquent de fluidité. Il se déplace donc en fauteuil roulant depuis toujours. Ses roulettes, c’est une partie de lui. 

Quand il est allé à l’émission Tout le monde en parle, récemment, il a descendu les fameuses marches du plateau assis dans son fauteuil. 

Et il fait la même chose régulièrement pour prendre le métro. Quand il faut monter ou descendre des marches et qu’il n’y a pas d’ascenseur, il se débrouille. On le voit bien dans un documentaire sur lui tourné par Radio-Canada.

« Sur 68 stations à Montréal, seulement 14 ont des ascenseurs, explique-t-il. Moi, je me suis adapté sans chialer. J’ai appris à sauter les marches, à sauter les trottoirs. Je vais partout où je veux. Mais j’ai réalisé que ce n’est pas tout le monde qui peut faire ce que je fais. Donc, je veux parler du problème d’accessibilité. »

Régulièrement, celui qui a toujours été athlétique publie des vidéos de ses exploits inhabituels sur les réseaux sociaux, notamment ses exercices de musculation spectaculaires qu’il a commencé à faire au tournant de la vingtaine. Il attire l’attention. Sa popularité grandit. Il fait partie d’une communauté de gens qui refusent que leurs conditions soient des freins, des carcans. Et qui impressionnent, inspirent. 

Une vie avec sa mère

Woody Belfort est né en 1996 à l’hôpital Sainte-Justine, où rapidement les médecins ont diagnostiqué sa situation. Son père ne l’a pas pris et, quand le bébé avait 6 mois, il a abandonné son enfant et sa mère, Micheline Félix. « Il a perdu la chance de rencontrer quelqu’un d’incroyable », dit Woody de cet épisode dont évidemment il ne se souvient pas.

La vie, pour lui, a toujours été avec sa mère, avec qui il habite encore.

Ensemble, ils ont déménagé à Victoria, en Colombie-Britannique, où ils ont vécu plusieurs années, pour suivre le conjoint de l’époque de Mme Félix. Puis, ils sont rentrés au Québec, à Saint-Jean-sur-Richelieu, puis à Boucherville, puis à Longueuil, où ils habitent toujours. 

Sa mère, après avoir longtemps évolué dans le domaine bancaire, travaille chez Cartus, une grande entreprise qui offre des services spécialisés pour les déménagements de cadres d’entreprise. Woody l’admire immensément d’avoir réussi à élever non seulement son enfant seule, mais aussi un enfant pas comme les autres. Un petit garçon qui grimpait toujours partout, passionné par les activités physiques plus que par l’école, toujours en quête de défis. 

Personne ne s’étonnera de savoir que, lorsque quelqu’un a parlé de basketball pour enfants en fauteuil roulant à Mme Félix, elle s’est empressée d’inscrire son fils. Tout pour permettre à Woody de bouger, de rouler, de compter.

Des projets à la tonne

À 22 ans, Woody est encore à l’école, mais fait beaucoup de choses en même temps.

D’abord, il essaie de terminer son cégep, à Rosemont, où il étudie les langues modernes. Il parle déjà français, anglais et créole – sa famille est d’origine haïtienne – et étudie l’espagnol, l’allemand, le portugais, parce qu’il a des amis brésiliens. Pour apprendre l’espagnol, il regarde dans cette langue une telenovela (un feuilleton), Jane the Virgin, dont il aime bien parler en riant.

Ensuite, il a des « projets », dont il ne veut pas parler. À Los Angeles, en Australie. Il a des idées, comme appeler le Cirque du Soleil. 

Très bientôt, du 3 au 5 mai, il participera à un championnat de basket, dans le cadre du Défi sportif AlterGo, réunissant actuellement à Montréal quelque 3000 athlètes de sports adaptés.

En juin, il ira à Toronto dans une compétition de culturisme. Son objectif : être reconnu comme pro pour pouvoir représenter le Canada dans les compétitions internationales. « Si ça marche, dit-il, je serai le premier. »

Son but dans tout ça ? « Je veux que les gens se souviennent de moi et ne lâchent pas. Je veux être celui qui aide les autres à faire face aux obstacles. »

Woody Belfort en quelques choix

Un livre : Love the One You’re With, d’Emily Giffin. « J’adore les histoires d’amour, les vraies histoires d’amour. »

Un film : « O.K., vous allez rire : le premier film des Pokemon. C’est resté dans mon cœur d’enfant. J’ai tellement pleuré ! »

Un personnage historique : Muhammad Ali ou Bruce Lee. « Ce sont non seulement des athlètes, mais [aussi] des gens avec une force mentale incroyable qui sont passés à l’Histoire. Saviez-vous que Bruce Lee faisait toutes ses cascades ? » 

Un personnage contemporain : Zack Ruhl, un coach d’entraînement en parcours (CrossFit) amputé des deux jambes en bas âge, qui accomplit des prouesses athlétiques. 

Une phrase : « Il n’y a que deux options : gagner ou apprendre. L’échec n’en est pas une. »

Une cause : « L’accessibilité universelle, en commençant par le métro ! Sur ma pancarte, j’écrirais : “La STM pour tous !” Et il y aurait un petit dessin d’un bonhomme en fauteuil roulant. »