À 32 ans, la boxeuse native de Saint-Eustache est devenue, presque dans l'ombre, la première Québécoise sacrée championne du monde chez les professionnelles. L'athlète se consacre maintenant corps et âme au seul combat de sa vie : la boxe. Marie-Eve Dicaire est notre personnalité de la semaine.

Le 1er décembre dernier, on a tous été inondés de nouvelles dans les médias au sujet d'un boxeur québécois. Adonis Stevenson venait non seulement de perdre son combat pour défendre son titre de champion du monde, mais il l'avait fait de la pire des façons : par un K.-O. foudroyant, donc une commotion cérébrale majeure, qui a fini par le plonger dans un état critique nécessitant hospitalisation et multiples interventions pour sa survie. Encore à ce jour, l'avenir de son état de santé est un grand point d'interrogation.

Mais pendant qu'on s'inquiétait du sort de celui-ci, une nouvelle est passée presque inaperçue. Une boxeuse de Saint-Eustache, aussi au Centre Vidéotron à Québec, venait de gagner le combat de sa vie contre une boxeuse uruguayenne, Chris Namús, pour ainsi prendre sa place de championne des super-mi-moyens de l'International Boxing Federation (IBF). Une boxeuse championne du monde ? Une première au Québec.

Cette femme s'appelle Marie-Eve Dicaire. Elle est notre ultime personnalité de la semaine de 2018.

Volubile, joyeuse, cultivée, l'athlète est aux antipodes de l'image qu'on peut se faire des boxeurs taciturnes issus de la rue, inspirés par Muhammad Ali ou Jake LaMotta. En entrevue, l'athlète qui travaille avec le Groupe Yvon Michel parle de Nelson Mandela, de Marie Curie, d'Oprah... Elle a un faible pour les personnages qui ont démoli des barrières, ouvert des portes.

On parle de sa recette de tartare de thon, tout en protéines, et des pirouettes culinaires qu'elle accomplit tous les jours pour suivre à la lettre les prescriptions de son conseiller en nutrition, tout en s'organisant pour que les plats soient impeccablement savoureux.

Perfectionniste ? « Je ne fais rien à moitié, jamais », explique-t-elle. « Je suis vraiment extrémiste. »

Marie-Eve s'est mise sur le tard à la boxe. Elle a 32 ans aujourd'hui et a commencé à 24 ans. Mais les sports de combat, elle en fait depuis l'âge de 6 ans. Au départ, c'était le karaté. Elle est ceinture noire, 5e dan et a eu pendant longtemps sa propre école de karaté à Laval. Mais elle l'a finalement vendue pour se consacrer à 100 % à la boxe.

Pourquoi a-t-elle commencé si jeune ? Sa mère, une femme qui l'a élevée seule et travaille comme contremaître dans une usine, spécialiste de l'assurance qualité en alimentation, n'avait pourtant pas de connaissances particulières en arts martiaux. « Enfant, j'étais une grande grande fan des Tortues Ninja », dit la boxeuse. « Alors quand mes cousins se sont mis au karaté, j'ai tout de suite suivi. »

Cette activité l'a amenée loin. Elle a été championne du monde dans cette discipline aussi, cinq fois. Saint-Eustache l'appuyait financièrement et lui permettait de voyager à ses championnats. « C'est un art de vivre, ça a bâti mes valeurs. La boxe, c'est une passion, je suis tombée en amour. »

Marie-Eve Dicaire s'entraîne six jours par semaine, deux fois par jour, par blocs de deux heures. Le matin, elle fait de la préparation physique avec toutes sortes d'appareils et d'outils de résistance pour améliorer le cardio, la musculation et compagnie, et l'après-midi, c'est la boxe comme telle. 

Son quotidien s'articule totalement autour de la boxe. Des enfants ? Non pour le moment. Encore là, pour ne pas faire deux choses à la fois. Parce que la boxe, actuellement, c'est vraiment toute sa vie.

Comment voit-elle ce qui est arrivé à Stevenson ?

« J'espère que ce qui s'est passé va faire réfléchir les boxeurs », répond Marie-Eve. « C'est un sport extrême. » Mais comme c'est le cas dans tous les sports extrêmes, on peut mieux se protéger des tragédies, poursuit-elle, en axant le sport sur la défensive beaucoup plus. Il faut, croit la jeune femme, que les athlètes cessent de se sentir invincibles et se protègent mieux. « L'avenir de la boxe sera d'éviter les coups. »

Elle-même a subi une grave commotion il y a quatre ans. Elle n'a pas pu monter sur le ring pendant un an. L'événement l'a amenée à changer beaucoup de choses dans son quotidien. À s'entourer d'une nouvelle équipe. « J'ai aussi appris à apprécier les choses de la vie. »

Le retour au combat a été long, minutieux, avec bien des étapes à franchir une par une.

La victoire du 1er décembre, après tout cela, a été d'autant plus appréciée. « Oui, c'était un peu Rocky », dit-elle en souriant et en parlant de ces films dont elle adore les histoires, mais trouve les scènes de boxe ratées.

« On savait d'où on revenait. »

Toute cette histoire, elle la raconte aux jeunes qu'elle rencontre maintenant dans les conférences qu'elle donne un peu partout dans les écoles pour faire la promotion de la persévérance scolaire. « Je leur dis que quand on veut, on peut, qu'on n'a pas besoin de beaucoup de moyens, qu'il faut se fixer des objectifs, bien s'entourer, résume l'athlète. Je leur raconte ma vie. »

Marie-Eve Dicaire en quelques choix

Un livre : « Les mémoires de Nelson Mandela, qui a utilisé le rugby pour faire tomber les barrières et montré une fois de plus à quel point le sport peut être rassembleur pour réunir des gens de toutes les races et origines sociales, avec des parcours totalement différents, avec des histoires totalement différentes, mais qui se rejoignent. »

Un film : « C'est le temps des Fêtes, alors je vais dire Elf ! », film de Jon Favreau avec Will Ferrell qui raconte l'histoire d'un orphelin élevé par des lutins au pôle Nord. « C'est un film sur l'authenticité des enfants et l'importance de remettre nos valeurs à la bonne place. »

Un personnage historique : Nelson Mandela

Un personnage contemporain : « Barack Obama, qui a réussi à apporter aux États-Unis un peu d'équité et d'entraide. Avec ses discours rassembleurs, c'est une personnalité inspirante. »

Une phrase : « Je veux atteindre la grandeur pour inspirer les gens à rêver grand. »

Une cause qui vous ferait manifester dans la rue : « Je ne sais pas si j'irais manifester dans la rue pour une cause, mais j'appuie tout ce qui peut aider les jeunes à aller plus loin. Je veux les aider. Tous ceux qui ont besoin d'aide. Sur ma pancarte, donc, j'écrirais : "Crois en toi." »