En 2009, il a fondé Plusgrade, entreprise qui permet aux transporteurs aériens de mettre des sièges vides aux enchères. La société montréalaise, qui travaille désormais avec 70 compagnies aériennes, vient de recevoir un sérieux coup de pouce, soit un investissement de 200 millions de la Caisse de dépôt, pour poursuivre sa croissance. Ken Harris est notre personnalité de la semaine.

Quand il était au début de la vingtaine, après des études en économie et en science politique à l'Université York, à Toronto, Ken Harris a décidé de lancer une nouvelle entreprise. Pas sa première, parce que l'homme d'affaires montréalais démarre des entreprises depuis qu'il est adolescent, mais ce projet en particulier, dans le domaine du marketing destiné aux étudiants, était établi aux États-Unis et l'obligeait à prendre très souvent l'avion.

Et comme il n'avait pas un immense budget pour acheter ses billets d'avion puisqu'il était dans une société en démarrage, il voyageait en classe économique, reluquant chaque fois avec envie les sièges vides de la classe affaires.

Et chaque fois, l'entrepreneur en lui se posait les mêmes questions : comment pourrais-je avoir accès à ces sièges ? Et la compagnie aérienne ne perd-elle pas de l'argent en les laissant vides ?

En faisant un peu de recherches, il a fini par comprendre que les compagnies aériennes choisissaient de laisser ces places vides, choisissaient de ne pas les vendre au rabais. « Elles ne voulaient pas se cannibaliser et diluer leur marque », explique-t-il.

En effet, si ces places étaient offertes au rabais, les clients réguliers de la classe affaires n'auraient plus eu de raison d'acheter les places au prix fort.

C'est là que Ken Harris a eu son idée. « Pourquoi ne pas les mettre aux enchères ? »

Comme ça, on donne accès aux places vides à tout le monde, on démocratise la classe affaires, on donne des leviers aux clients, et on offre aux sociétés aériennes la possibilité d'écouler leurs invendus.

Et le risque associé aux enchères - parce que personne n'a la garantie d'obtenir une place en classe supérieure - est suffisant pour convaincre les clients réguliers de la classe affaires d'acheter leurs billets au prix courant et de s'assurer ainsi d'avoir une place dans cette catégorie.

Ainsi est née l'idée de Plusgrade, entreprise fondée en 2009 par notre personnalité de la semaine, où la Caisse de dépôt et placement du Québec vient d'investir 200 millions.

Près de 10 ans plus tard, la société installée à Montréal en plein centre-ville travaille en effet maintenant avec 70 compagnies aériennes, dont Air Canada, et elle grossit. Elle compte 75 employés dans trois villes : 50 à Montréal et les autres à New York et à Singapour.

Et Plusgrade commence à s'installer dans le monde des croisières. Dans le plan d'affaires de départ, Ken Harris pensait déjà aussi aux hôtels, aux spectacles et à tous les domaines où on a des invendus éphémères à écouler sans faire de braderie néfaste à la marque.

Les clients de Plusgrade ne sont pas les consommateurs, mais bien les entreprises, surtout aériennes pour le moment. Ce sont elles qui gèrent la question et offrent la possibilité à leurs clients de la classe économique de miser sur les invendus des classes supérieures, ce qui augmente les revenus.

Selon Ken Harris, la recherche montre en effet clairement que le système sert à augmenter le prix des billets, en convainquant les clients de la classe économique d'aller chercher plus.

Plusgrade a même mis au point un logiciel qui permet aux clients de payer des suppléments pour une autre sorte de confort. « Si l'avion n'est pas plein de toute façon, s'est un jour dit Ken Harris, pourquoi ne pas vendre la possibilité d'avoir des places à côté des sièges vides ? » Donc, encore là, on offre aux clients de payer pour ce privilège autrefois réservé aux chanceux.

Ken Harris, 37 ans, a grandi à Montréal, au centre-ville. Père avocat qui l'a toujours encouragé à se lancer dans les affaires. Mère consultante en éducation spécialisée auprès d'élèves avec besoins particuliers. Harris a étudié à Lower Canada College, à Notre-Dame-de-Grâce.

Fou d'ordinateurs depuis toujours, capable de coder et de concevoir des logiciels, savait-il, quand il était enfant, qu'il deviendrait entrepreneur ? « Euh, oui. Depuis toujours. » Une évidence.

Ken Harris en quelques choix

Un film 

Ferris Bueller's Day Off (La folle journée de Ferris Bueller). « Parce que c'est un film sur l'importance de profiter de la vie. »

Un livre

Le livre de conseils de gestion Principles : Life and Work, de Ray Dalio, fondateur du grand fonds spéculatif Bridgewater

Un personnage historique 

Fernand de Magellan, l'explorateur qui a dirigé la première expédition à faire le tour du monde

Un personnage contemporain 

Bill Gates. « Je suis fasciné par son impact à la tête de Microsoft, mais encore par tout ce qu'il a fait après Microsoft. »

Une phrase 

« Si tu veux aller vite, avance seul, si tu veux aller loin, avançons ensemble. »

Une cause

« Trouver le remède contre tous les cancers. Et sur ma pancarte, j'écrirais : "On peut le faire et on va y arriver." »