Le danseur et chorégraphe Luca Patuelli est notre personnalité de la semaine.

Pas d'excuses. Pas de limites. Voici comment Luca Patuelli voit la vie. Un bobo ? La crainte ? La peur ? Ce n'est pas ça qui va l'arrêter. Bien sûr, personne n'est infaillible, même pas cet homme de 34 ans, qui a maintes fois surmonté l'adversité, en commençant par cette maladie rarissime qui affecte ses jointures et ses muscles et l'empêche d'avoir les mêmes jambes que la plupart d'entre nous : l'arthrogrypose.

Mais essayer, foncer, rejeter les idées reçues et les limites qu'on s'impose soi-même, sournoisement, voilà comment notre personnalité de la semaine fonctionne. Depuis toujours. Et surtout depuis qu'il sait qu'à cause de ce qui le rend différent, Luca devra nécessairement trouver des solutions différentes pour faire ce dont il a envie : bouger, danser...

Né à Montréal au sein d'une famille d'immigrés italiens - « Mon père est de Livourne, ma mère de Rome, c'est une artiste » -, Luca, qui se surnomme lui-même Lazylegz, a grandi à Montréal jusqu'à l'âge de 4 ans. C'est ici, à 7 mois, qu'il aura la première des 16 opérations, explique-t-il en entrevue, qui s'étaleront jusqu'à l'âge de 17 ans afin de lui venir en aide. C'est ici qu'il a appris l'italien, dans sa famille, la langue qu'il parle avec sa fille de 3 ans. Et c'est ici qu'il est revenu, à l'âge de 18 ans, pour étudier à Concordia, après 14 ans aux États-Unis.

Spécialiste du traitement de la pierre en construction, le marbre et le granit, le père de Luca Patuelli a en effet emmené sa famille à Bethesda, en banlieue de Washington, pour y poursuivre sa carrière dans les années 80, alors que Luca avait 4 ans. Dans la capitale des États-Unis, la belle pierre a la cote.

En grandissant, le jeune garçon veut faire comme ses amis. Des sports d'équipe, du skateboard. Il se tient debout sur ses genoux, se sert de ses béquilles.

« Je faisais même du ski sur mes genoux. »

- Luca Patuelli

La nature a choisi de donner l'arthrogrypose à un garçon super actif qui veut bouger et ne laisse pas grand-chose l'arrêter. 

À 15 ans, une opération aux jambes l'empêche de reprendre ses activités comme avant. Il cherche donc d'autres façons de bouger où il n'a pas à se tenir sur ses genoux à cause d'une cicatrice. C'est ainsi qu'il découvre le breakdance. « Depuis, je n'ai jamais arrêté. »

RÉINVENTER LA DIFFÉRENCE

À travers tout cela, l'homme raconte qu'il a connu des moments parfois plus difficiles. On sait bien que les intimidateurs, les pas cools et les pas fins sautent sur la différence pour exprimer leur lâcheté. « Mais j'ai toujours eu des amis, ma famille, mes parents, mon frère, un réseau de gens pour m'appuyer qui m'ont aidé. »

À Concordia, Luca Patuelli étudie le marketing, à l'école de gestion John-Molson. Pour ça comme pour bien des choses, il a dû travailler fort, après ne pas avoir été accepté d'emblée. Mais quand le jeune homme a un projet... Aujourd'hui, il se dit que ces études ont été bien utiles, notamment pour l'aider à mettre de l'avant son plan de réinventer la différence.

Parce que Luca Patuelli a fait de l'ouverture à tous le centre de sa carrière.

Avec sa femme Melissa, il donne des cours de danse aux Grands Ballets canadiens, il prononce des conférences de motivation, il conseille des entreprises ou des établissements d'éducation.

Il y a 10 ans, Luca, Lazylegz, a aussi fondé une compagnie de danse, ILL-Abilities, qui fait des compétitions de breakdance dans le monde entier.

Toute cette bande - Tommy « Guns » Ly et Jacob « Kujo » Lyons, des États-Unis, Redouan « Redo » Ait Chitt des Pays-Bas, Sergio « Checho » Carvajal, du Chili, Jungsoo « Krops » Lee de Corée du Sud, Samuel Henrique « Samuka » da Silveira Lima et Lucas « Perninha » Machado du Brésil - était à Montréal la semaine dernière, pour un grand événement qui a eu lieu à guichets fermés dans les locaux des Grands Ballets, dans le Quartier des spectacles.

Il y a eu une tournée et des compétitions, notamment avec des danseurs sans handicap, un spectacle, qui a réuni des pros, des étudiants, des professeurs... et un DJ, puisque c'est un autre des talents de Jungsoo Lee le Sud-Coréen... Des participants voulant concurrencer ces étoiles sont venus d'Ottawa, de Toronto. Un succès.

Aujourd'hui, Luca se prépare à présenter un spectacle en février à l'espace de MAI (Montréal, arts interculturels). Il sera sur scène avec Roya The Destroya, danseuse québécoise qui n'a qu'une jambe et qui, elle aussi, est en train de montrer au monde que le mouvement prend bien des formes. À suivre.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

La compagnie de danse ILL-Abilities. De gauche à droite : Jacob « Kujo » Lyons, Lucas « Perninha » Machado, Luca « Lazylegz » Patuelli, Sergio « Checho » Carvajal, Jungsoo « Krops » Lee, Samuel Henrique « Samuka » da Silveira Lima et Redouan « Redo » Ait Chitt

LUCA PATUELLI EN QUELQUES CHOIX

UN LIVRE 

Creative Quest, un livre sur la créativité de l'artiste américain Ahmir « Questlove » Thompson

UN FILM

Ocean's Eleven. « J'adore ce type de films créatif où les méchants sont les bons. Et j'ai un mancrush sur George Clooney... »

UN PERSONNAGE HISTORIQUE

Léonard de Vinci

UN PERSONNAGE CONTEMPORAIN

Bruce Lee. « Je me suis brûlé il y a deux ans et j'ai commencé à faire de la méditation et j'ai lu ses livres et je le trouve vraiment intéressant, notamment sur les arts martiaux et l'art... »

UNE PHRASE

« Mon père m'a toujours dit : "Le premier échec, c'est de ne pas essayer." »

UNE CAUSE QUI VOUS FERAIT DESCENDRE DANS LA RUE POUR MANIFESTER

« L'inclusion de tous, dans tout, partout. Surtout l'inclusion qui se fait de façon "organique", naturellement. Et sur ma pancarte, j'écrirais : "Tout le monde peut". »