Peu connu du grand public, Rami Atallah est à la tête de Ssense, une entreprise montréalaise de vente en ligne qui séduit les milléniaux du monde entier. Il est notre personnalité de la semaine.

Quand on demande à Rami Atallah de parler de ce qui a été marquant dans le développement et le succès de son entreprise, Ssense, il évoque bien sûr son idée de départ, une niche dans la vente de vêtements de luxe en ligne, pour les milléniaux avant-gardistes.

Mais avant toute chose, il évoque la décision de son père, ingénieur devenu homme d'affaires dans le secteur de l'acier, de faire immigrer toute la famille au Canada. « Il a été visionnaire », dit le jeune homme d'affaires qui avait 15 ans quand il a atterri à Montréal, en provenance de Damas. C'était il y a 20 ans, avant que la guerre n'embrase la Syrie. Et personne alors ne pouvait se douter qu'en partant ainsi, ils mettaient autant de chances de leur côté de poursuivre leur vie dans un environnement paisible, vers la prospérité.

Parce que les affaires de la famille Atallah vont bien. Rami est en effet, avec ses deux frères, à la tête de Ssense, un commerce en ligne dont les ventes roulent.

L'entreprise compte actuellement 500 employés à Montréal, deux fois plus que l'an dernier, et son objectif est d'en avoir 1500 en 2020.

Notre personnalité de la semaine, à 35 ans, fait maintenant partie des personnalités incontournables du monde de la mode, et le magazine britannique Business of Fashion l'a placé dans sa liste des 500 personnes les plus influentes dans ce secteur dans le monde. La nouvelle École Bensadoun de gestion du commerce au détail, affiliée à la faculté de gestion Desautels de l'Université McGill, compte même sur la collaboration du jeune homme d'affaires, diplômé en génie informatique de Polytechnique, pour faire avancer les connaissances sur le commerce en ligne.

Ssense surprend le monde. Et joue dans la cour des grands, à côté de Matches Fashion et de Net-a-Porter.

Tout a commencé alors qu'Atallah étudiait le génie informatique à Polytechnique, études qu'il a entreprises après avoir terminé son baccalauréat au collège Stanislas. (Comme il était déjà élève au lycée français international de Damas avant de partir de Syrie, à l'âge de 15 ans, la transition s'est faite aisément à Stanislas, qui fait partie du même réseau d'établissements d'éducation français à l'étranger.)

Inscrit à Poly, Atallah a une idée : essayer de revendre sur le web un jean Diesel dont il sait très bien qu'il est rare parce qu'il fait partie d'une collection ponctuelle. Le pari est réussi et quelqu'un à l'autre bout du monde achète le pantalon pour 200 $ de plus que ce qu'il avait coûté.

Pour s'assurer que ce n'est pas juste un coup de chance, l'étudiant en génie réessaie. Et réussit de nouveau à vendre un jean à grand profit.

Il comprend alors qu'il y a un marché pour des produits très précis, tendance, rares, qui plaisent aux milléniaux férus de mode.

Ne reste plus qu'à mettre en place un système de vente en ligne aussi intelligent côté logique et informatique qu'astucieux côté marketing.

Rami en parle à ses frères, Firas et Bassel, qui embarquent dans le projet et font aujourd'hui partie de la liste officielle des cofondateurs. Firas, qui a étudié aux HEC, veille aux finances et Bassel, qui a étudié en génie mécanique à McGill, aux opérations.

Le père accepte d'investir. Le projet est lancé. On est en 2003.

Quelque 14 ans plus tard, Ssense est une des entreprises de mode montréalaises les plus en croissance.

Le groupe, qui a déjà une boutique « brique et mortier » dans le Vieux-Montréal, se prépare à ouvrir un espace beaucoup plus grand, sur plusieurs étages, dans le même secteur en 2018.

La clé du succès : un mélange savant d'efficacité de gestion des processus de vente et de distribution, ainsi qu'une identité visuelle et de style vestimentaire avant-gardiste très claire. Cette approche déclinée surtout sur le site web - par exemple, tous les produits sont proposés de la même façon, photographiés en studio, sur des mannequins choisis par Ssense - est le pilier du marketing et plaît aux milléniaux, soit 70 % de la clientèle à travers 140 pays. Ssense fait seulement 17 % de ses ventes au Canada. Le reste est réparti partout dans le monde, avec une forte proportion aux États-Unis. Par exemple, sur place, à Montréal, dans les bureaux de la rue Chabanel, il y a une équipe parlant japonais pour répondre spécifiquement aux demandes de la clientèle nippone amatrice de Ssense.

Et les employés, dit Atallah, viennent de partout au monde pour travailler chez Ssense.

Pour reprendre les mots de Saibal Ray, de la faculté de gestion de l'Université McGill : « C'est une histoire à succès canadienne. »