Il n'y a pas grand monde au Québec capable de transporter des adultes handicapés vers des aventures sportives extrêmes, mais Steve Charbonneau, lui, le fait pratiquement au quotidien. Littéralement.

Avec son 1,95 m et sa stature d'ancien joueur de football, il en fait bouger, du monde.

Autrefois joueur de ligne défensive pour les Alouettes et colosse sympathique, Steve Charbonneau est directeur de la Fondation sports adaptés. Son travail : organiser des activités sportives pour des personnes qui n'y ont pas accès parce qu'elles ont des besoins spéciaux.

Récemment, notre personnalité de la semaine a lancé un appareil qu'il a mis au point avec ses collègues et nombreux collaborateurs : le Dahu. Ce fauteuil roulant sportif hautement modifié permet de rouler dans les sentiers en montagne et de traverser les ruisseaux, de passer par-dessus les roches, les racines, bref, il rend possible ce sport de randonnée extrême autrefois interdit aux personnes à mobilité réduite.

L'événement qui lui a donné l'idée de concevoir ce véhicule est le Bromont Ultra, activité de randonnée nocturne qui a lieu dans les pistes de la montagne, près de laquelle il habite.

« C'est une expérience tellement super, tellement écoeurante, en pleine nuit, je me disais : "Il faut trouver une façon de permettre à tout le monde de vivre ça." »

- Steve Charbonneau

C'est là qu'a commencé le travail avec des amis soudeurs, des gens qui savaient travailler l'aluminium... Il fallait inventer quelque chose qui soit à la fois léger - le Dahu est poussé par d'autres personnes - et très résistant.

Pendant deux ans, il a travaillé sur plusieurs prototypes avec son équipe. Et là, ça y est, il est content du résultat. Un rêve : le commercialiser à grande échelle et le faire fabriquer par des gens qui ont des handicaps et qui peuvent très bien travailler. « J'aimerais faire une entreprise d'économie sociale », dit-il.

SUR LE TERRAIN

Charbonneau a toute sa mobilité, ses deux enfants aussi, tout comme les autres membres de sa famille. S'il a abouti à la tête de la Fondation après une carrière dans le football professionnel et comme propriétaire à la fois d'un gym Énergie Cardio et d'une entreprise d'importation d'équipements sportifs, c'est pour le défi de faire avancer cette cause qui le touche. Sans passion, on ne fait pas ce genre de travail ultra-prenant, qui demande d'être au poste pratiquement sept jours sur sept.

Quand il n'est pas en train de solliciter des fonds, car les dons sont les seules ressources de l'organisme qui ne reçoit aucune subvention gouvernementale, Steve est sur le terrain. Ski nautique, ski alpin, planche à pagaie, vélo, canot, course... « Je suis autant le gars qui sollicite des dons que celui qui change l'huile du Sea-Doo », dit-il en riant. « J'y crois énormément. »

Pour l'aider, il y a la petite équipe de la Fondation et 200 bénévoles.

« On ne se limite pas à une seule discipline, dit-il. On veut du nouveau, que ce soit le fun. »

Les personnes à mobilité réduite adorent cette nouveauté, ce renouvellement, ces efforts investis pour créer de nouvelles expériences qui leur sont ainsi accessibles. « Je pense qu'on fait réellement une différence pour améliorer la qualité de vie de ces gens. »

Né à Cowansville, dont son père, propriétaire d'un garage, a longtemps été le maire, Steve a grandi dans le sport qui se pratique. Pas celui qui se regarde à la télé. Et c'est parce qu'il souhaitait apprendre l'anglais, un projet d'ado déterminé, qu'il est parti terminer son secondaire dans un pensionnat aux États-Unis, à Plattsburgh.

C'est là que sa taille a attiré l'attention des gens du football scolaire, et c'est ainsi qu'il s'est retrouvé avec une bourse sportive à faire des études et du football à l'Université du New Hampshire. « Quand j'ai fini mes études, dans ma tête, le football, c'était fini aussi. » Arrive alors un appel des Alouettes. On est en 1997. L'équipe repart après des années de pause. Charbonneau dit : « Pourquoi pas ? »

« C'est mon genre, dit-il, accepter un défi d'abord et réfléchir ensuite ! »

Mais comme le football ne l'occupe que six mois par année, il a du temps pour travailler ailleurs, et c'est ainsi qu'il se lance en affaires avec un gym et une entreprise d'équipements sportifs. En 2012, il vend tout, se dit qu'il va prendre une année de pause pour construire sa maison. « Un rêve que j'avais. Sauf qu'en trois mois, j'avais fini ! »

Que faire de son temps ? Un ami maire de Farnham lui demande de l'aider avec les communications pour sa ville. Puis, arrive le coup de fil de la Fondation sports adaptés, qui pense à la succession de son directeur. « Là j'ai commencé à regarder ça et je me suis dit : "Wow, il y a tout un potentiel de développement !" »

Et c'est ainsi qu'il a plongé dans cet univers. Aujourd'hui, quelque 400 participants aux handicaps très variés - « pas mal tout ce que tu peux imaginer » - fréquentent les activités de la Fondation. Des anciens militaires avec des problèmes d'équilibre jusqu'aux amputés sévères.

Et grâce à Steve et son équipe, ils « tripent » tous ensemble à faire du sport hors du commun.

Photo Catherine Lefebvre, collaboration spéciale

Autrefois joueur de ligne défensive pour les Alouettes, Steve Charbonneau est directeur de la Fondation sports adaptés.

Photo François Roy, Archives La Presse

Steve Charbonneau a porté l'uniforme des Alouettes de Montréal de 1997 à 2001.