Pierre Des Marais s'est souvent fait demander s'il était parent avec tel ou tel Desmarais ou Des Marais. Il ne l'est pas. Il a grandi dans une famille modeste de la rue Plessis, à Montréal, où 93 % de la population recevait de l'aide sociale. Et il fait partie de ces artistes du monde de la danse, ici à Montréal et au Canada, qui portent ce grand volet de la culture à bout de bras.

On dit souvent que les gouvernements soutiennent la culture, que l'entreprise privée soutient la culture. C'est vrai. Mais personne ne la soutient autant que ceux qui la créent. Et c'est particulièrement vrai dans l'univers de la danse, où les ressources sont limitées, les salaires modestes, les sacrifices gigantesques.

Pierre Des Marais, notre personnalité de la semaine, est cofondateur de Danse Danse. L'organisme, qui entame une saison anniversaire pour ses 20 ans, assure la programmation tout au cours de l'année d'une grande partie des spectacles de danse contemporaine à Montréal. Danse Danse, c'est une sorte de festival de danse dont les manifestations se déploient toute l'année, principalement entre le Théâtre Maisonneuve et la Cinquième salle de la PdA, de Marie Chouinard à Pina Bausch.

La semaine dernière, l'organisme a lancé sa 20e saison, avec deux spectacles de la compagnie Marie Chouinard, dont un spectacle entier qui prenait la forme d'un hommage au célèbre triptyque Le jardin des délices de Jérôme Bosch. Une première montréalaise. Un événement.

Pierre Des Marais, qui a aujourd'hui quelques cheveux blancs, a lui-même longtemps été danseur. Il a commencé à Vancouver, avec la compagnie Anna Wyman. « C'était après Expo 67. J'étais parti là-bas, j'avais 18 ans. J'avais des jobbines. Je m'ennuyais un peu. J'ai décidé d'aller suivre des cours de danse. »

Comme les hommes amateurs de danse contemporaine étaient rares à l'époque, Des Marais est rapidement recruté et formé pour danser carrément avec la compagnie. Le hobby devient boulot. Il fera 1100 spectacles à travers le monde avec cette troupe, l'une des plus importantes au Canada à l'époque.

C'est là aussi, puisque la compagnie est petite, que Des Marais commence graduellement à s'occuper de logistique. Quelques années plus tard, il ira à Winnipeg faire un stage de direction de tournée avec le Royal Winnipeg Ballet. Si bien que lorsqu'arrive la trentaine, il est prêt à faire la transition de la scène à l'arrière-scène.

Retour à Montréal

En 1990, il reçoit un appel de la compagnie La La La Human Steps de Montréal. On le recrute. Il revient au bercail. Il y travaillera pendant un an.

« J'ai été le producteur d'Infante, c'est destroy. C'était la grande époque », raconte Pierre Des Marais.

C'est à ce moment-là que David Bowie remarque la troupe, que Louise Lecavalier brille dans le monde entier avec ses vrilles horizontales.

Le boulot l'amène ensuite à Ottawa, où il travaille avec le festival Danse Canada, puis il revient travailler avec Jean-Pierre Perreault et Marie Chouinard. « Avec Karen Jamieson - une autre grande de la danse de Vancouver avec qui j'ai travaillé quatre ans -, Marie Chouinard est une des femmes qui m'ont réellement permis de me développer, d'accepter de prendre des risques. »

C'est avec l'arrêt du Festival international de la nouvelle danse que Des Marais et quelques comparses d'autres compagnies décident de lancer un nouveau concept de festival à l'année où se produiraient de grandes compagnies montréalaises et où des compagnies d'ailleurs seraient invitées. Ainsi naît la première saison de Danse Danse.

« En 20 ans, on est allés chercher toutes sortes de publics, mais surtout des gens curieux, ouverts », explique-t-il.

Certaines pièces ont fait polémique dans le milieu. Plusieurs ont eu un grand succès populaire. « On mélange les genres et les styles. On cherche la qualité. On veut faire réfléchir, surprendre. »

Aujourd'hui, le nombre d'abonnés ne cesse de croître. Et en cette saison 2017-2018, Danse Danse présentera 15 productions.

Un grand coup durant toutes ces années ? Le spectacle de Juliette Binoche en 2009, avec une scénographie signée par l'artiste britannique Anish Kapoor. À guichets fermés, pendant dix soirs, au centre Pierre-Péladeau.

« Ensuite, les abonnements ont explosé », raconte M. Des Marais.

Pina Bausch ? La grande compagnie allemande est venue pour la saison 2014-2015. Là encore, les billets se sont vendus comme des petits pains chauds. En trois semaines, tout était parti. Un an à l'avance.

Autre coup de coeur : le Nederlands Dans Theater de La Haye. « Un style unique, des danseurs époustouflants. »

Préparer l'avenir

Cette année, on a hâte de voir, notamment, le Finlandais Tero Saarinen, la grande compagnie américaine Martha Graham, la Canadienne Clara Furey, l'Israélien maintenant établi à Londres Hofesh Shechter, et les Ballets Jazz de Montréal qui présenteront début décembre un spectacle sur la musique de Leonard Cohen.

La conversation continue avec Pierre Des Marais. On revient sur les conditions financières difficiles des danseurs et du monde de la danse en général. De tous les arts vivants, c'est celui où les artistes sont les moins bien payés. Les danseurs, sur scène, gagnent moins que les techniciens derrière les rideaux. Cela n'empêche pas les artistes de vouloir déménager à Montréal, où l'énergie canadienne est concentrée. Où Danse Danse, avec M. Des Marais et sa codirectrice Caroline Ohrt, préparent déjà l'avenir.

Pierre Des Marais en quelques questions

UN DE SES LIVRES PRÉFÉRÉS ? 

Ce qu'il reste de moi de Monique Proulx

SA CITATION PRÉFÉRÉE ? 

« Agissez comme s'il était impossible d'échouer. » Winston Churchill

SON PERSONNAGE HISTORIQUE PRÉFÉRÉ ? 

Joséphine Baker

SON PERSONNAGE CONTEMPORAIN PRÉFÉRÉ ?

Nathalie Bondil, pour la transformation du Musée des beaux-arts à tous égards

S'IL DEVAIT MANIFESTER, CE SERAIT POUR QUELLE CAUSE ET QU'ÉCRIRAIT-IL SUR SA PANCARTE ?

« Ce serait pour une cause liée à l'immigration et ma pancarte dirait : "Ce sont eux aussi NOTRE futur." »