Avec ses héroïnes fortes et originales, l'auteure jeunesse à succès Catherine Girard-Audet tente notamment de briser les dogmes et de valoriser l'éducation auprès des filles. Elle est notre personnalité de la semaine.

Catherine Girard-Audet est la soeur de trois autres Audet, mais la seule qui porte le nom composé Girard-Audet. Pourquoi ? Parce que l'auteure jeunesse à grand succès est née en 1981, après la modification du Code civil permettant aux enfants de porter le nom de leur mère. « Et ma mère est vraiment féministe, il fallait que j'aie les deux noms », explique-t-elle en entrevue.

De toute évidence, les valeurs de l'égalité et de l'affirmation ont ainsi bien été inculquées à la jeune auteure de 36 ans, notre personnalité de la semaine, dont les jeunes personnages féminins ne sont jamais banals ni à l'eau de rose.

On pense à L'ABC des filles, traduit en 16 langues et vendu dans 23 pays, qui atteint le million d'exemplaires au compteur, cette année, ou encore à Léa, Québécoise devenue Montréalaise à l'âge de 13 ans - comme Catherine -, héroïne de La vie compliquée de Léa Olivier, une autre de ses séries à grand succès.

Catherine Girard-Audet, longtemps blogueuse à VRAK.tv, rédactrice du courrier du coeur au magazine Cool !, amie des ados aux émotions vives et aux vies pas simples, n'est pas tombée dans le livre jeunesse par hasard.

Comme ses personnages, Catherine a été ado et son histoire montréalaise commence au secondaire, à l'École internationale de la CSDM, où était « la nerd parmi les nerds », raconte-t-elle. Des circonstances qui ont favorisé son intégration dans sa nouvelle ville, même si passer de L'Ancienne-Lorette, où elle allait chercher des écrevisses dans la rivière avec ses frères, à la métropole n'a vraiment pas toujours été facile.

Suivent un passage au collégial à Brébeuf, qu'elle a adoré, puis un cours de littérature française à McGill, programme dirigé par l'auteur François Ricard, qui l'a ravie. Le niveau de l'enseignement la comblait. « J'étais dépaysée dans ma propre ville », dit-elle. Puis elle part en Colombie-Britannique à l'UBC parfaire sa connaissance de l'anglais. Alors qu'elle est là-bas, son frère qui travaille en édition l'appelle. « Veux-tu traduire un livre américain pour nous ? Ça s'appelle Bob l'éponge. »

De succès en succès

Le reste a suivi aisément. Plusieurs traductions de livres pour enfants, de Dora l'aventurière aux bandes dessinées de Garfield, en passant par les princesses de Disney. Puis il y a la décision de son frère Marc-André Audet de quitter la maison d'édition pour laquelle il travaille pour en fonder une à lui, Les Malins, dont Catherine sera une auteure cruciale. Ensemble, ils préparent L'ABC des filles, le livre phare qui lancera l'auteure et l'éditeur. C'était il y a 10 ans. Depuis, d'édition annuelle en édition annuelle, les succès se sont accumulés. Ensuite, il y a eu le début des romans, puis des livres sur la puberté notamment, l'un pour les filles et l'autre pour les garçons, qui paraissent cet automne.

Les livres ont toujours été au centre de la vie de la famille Audet, explique Catherine. Même avant de déménager à Montréal, la famille connaissait les librairies, comme le Colisée du livre, et se faisait un devoir d'y arrêter à chaque visite dans la métropole. À la maison, la bibliothèque était ouverte et « immense ». Sa mère, qui est passée par le Conservatoire d'art dramatique, et son père, Michel Audet, ancien ministre libéral et ancien président de la Fédération des chambres de commerce du Québec, valorisaient beaucoup la lecture et Catherine dévorait les écrits, que ce soit Le journal d'Anne Frank ou L'herbe bleue, le roman pour ados antidrogue par excellence des années 70. « Tant qu'on lisait, mes parents étaient contents. »

Aujourd'hui, Catherine espère avoir transmis cette passion à sa fille de deux ans et demi. « C'est drôle, on lui lit Dora, que j'ai traduit... »

« Et elle fait aussi un trip de princesses, malgré moi. Mais je change les personnages, comme je transforme la vie de Cendrillon, par exemple, quand je lis ça à ma fille. Je donne au personnage des envies de voyager, d'aller à l'université, d'avoir une carrière. »

Avec les années, Catherine Girard-Audet a aussi fait évoluer son ABC des filles. « Je me permets de prendre ma place. »

L'auteure se proclame féministe - « aucun problème avec le mot ! » - et espère participer à sa façon à l'évolution des mentalités, à briser les dogmes et à valoriser l'éducation, notamment. « Ça m'enrage de voir les filles qui se font niaiser parce qu'elles ont de bonnes notes à l'école. »

Catherine se fera toujours un devoir de les défendre, de les mettre de l'avant, d'en faire des modèles de réussite, entre celles qu'elle appelle les nunuches intimidantes - à ne pas confondre avec les nunuches gentilles - et autres modèles d'ados en tous genres qui peuplent les univers de la jeune femme et de ses lecteurs, un peu partout sur la planète.

Catherine Girard-Audet en quelques choix

UN DE SES LIVRES PRÉFÉRÉS ? 

Le journal d'Anne Frank

UN DE SES FILMS PRÉFÉRÉS ? 

Lost in translation de Sofia Coppola

SA CITATION PRÉFÉRÉE ? 

«Pour moi, le bonheur, c'est d'abord d'être bien.» 

- Françoise Sagan

SON PERSONNAGE HISTORIQUE PRÉFÉRÉ ? 

Thérèse Casgrain, la grande féministe et femme politique québécoise, qui a notamment mené le combat pour le droit de vote des femmes, a été sénatrice et a fondé la Fédération des femmes du Québec.

SON PERSONNAGE CONTEMPORAIN PRÉFÉRÉ ? 

Barack Obama

SI ELLE DEVAIT ALLER MANIFESTER, CE SERAIT POUR QUELLE CAUSE ET QU'ÉCRIRAIT-ELLE SUR SA PANCARTE ?

«Je manifesterais contre la discrimination raciale et religieuse. J'ai d'ailleurs assisté à la veillée après l'attentat de Québec, avec sur la pancarte de ma fille un signe de paix, et sur la mienne, il était écrit: "oui à la liberté, non à la haine"»