Comme recteur de l'Université de Montréal, il a décloisonné l'institution, tant dans sa communication interne que dans ses échanges avec la société civile. Le 13 mai, Gilles Cloutier s'est éteint à l'âge de 85 ans.

Dès son arrivée comme professeur à l'Université de Montréal, Gilles Cloutier fonde le laboratoire des plasmas, devenu le groupe de physique des plasmas. «C'était un bâtisseur, un homme droit et honnête», témoigne Michel Moisan, professeur de physique à l'Université de Montréal, et dont Gilles Cloutier a été le directeur de mémoire de maîtrise en 1964 et 1965. «Il avait tellement de dynamisme que, comme beaucoup d'étudiants, je suis allé travailler avec lui. Il était très exigeant sur la présence au laboratoire et sur la production de rapports.»

Déjà, Gilles Cloutier sait créer des liens entre la recherche et les partenaires financiers. «Il a attiré des financements importants au laboratoire, souligne M. Moisan. On pouvait acheter presque tout ce dont on avait besoin!»

Gilles Cloutier a été un des premiers Québécois à se tourner vers la conquête spatiale. Il avait ainsi fabriqué une sonde qui fut par la suite envoyée dans l'espace.

Gilles Cloutier a également créé le département de physique de l'Université de Montréal. Sa carrière dans l'enseignement a toutefois été brève puisqu'il rejoint Hydro-Québec dès 1968. Il y entre comme directeur scientifique et il fonde le groupe de recherche de l'Institut de recherche en électricité du Québec (IREQ).

Dix ans plus tard, Gilles Cloutier quitte le Québec pour prendre la présidence de l'Alberta Research Council. Le Québécois oeuvre à développer des partenariats avec les entreprises, en leur proposant de commercialiser les innovations technologiques des centaines de chercheurs de l'organisation.

Un recteur accessible

Cette expérience est déterminante pour la suite de sa carrière. En 1985, Gilles Cloutier est nommé recteur de l'Université de Montréal, un poste qu'il occupera jusqu'en 1993. «Il a été le troisième recteur laïc de l'université, après Roger Gaudry et Paul Lacoste», rappelle Guy Breton, le recteur actuel de l'Université de Montréal.

«Je l'ai rencontré quand j'étais jeune médecin à St-Luc, poursuit M. Breton. C'était la première fois qu'un recteur venait nous rencontrer à l'hôpital. Il voulait comprendre notre réalité et nos enjeux.»

Le passage de Gilles Cloutier au poste de recteur est marqué par cette démarche d'ouverture à la communauté universitaire. «L'approche hiérarchique, moins collaborative, était la règle à l'époque, ajoute M. Breton. Gilles Cloutier a permis à l'Université de Montréal d'évoluer rapidement vers la modernité.»

Le recteur prend des initiatives pour développer la communication au sein de l'institution: il met en place les déclarations annuelles du recteur, au cours desquelles il présente son plan d'action à l'Assemblée universitaire.

Gilles Cloutier a entrepris le même travail de communication auprès des partenaires extérieurs de l'université. «Il a favorisé ces échanges, ce qui ne faisait pas partie de la tradition jusque là», relève Guy Breton.

Son rectorat voit le lancement du Bureau de la coopération internationale, du bureau de liaison Entreprises-Universités et la fondation du Centre d'études ethniques. La radio étudiante CISM a également vu le jour durant son mandat.

En 1998, le premier ministre Jean Chrétien le nomme président adjoint du Conseil consultatif des sciences et de la technologie (CCST). M. Cloutier a aussi été administrateur dans une trentaine d'organismes scientifiques canadiens.

Luc Vinet était un jeune professeur de physique quand il a connu le recteur Cloutier, «un homme ferme mais souriant». Devenu lui-même recteur en 2005, M. Vinet consultait Gilles Cloutier au sujet des grands enjeux universitaires. «Il m'avait manifesté son appui au moment de l'achat du terrain de la gare de triage d'Outremont, explique Luc Vinet. Il voyait cela comme une suite nécessaire au développement de l'université.»

M.Vinet appréciait l'intuition et la qualité d'analyse de Gilles Cloutier. «Il ne cherchait pas à imposer ses vues. Il était resté attaché à l'Université de Montréal, tout en restant dans l'ombre.»

Gilles Cloutier était officier de l'Ordre national du Québec, compagnon de l'Ordre du Canada et chevalier de la Légion d'honneur de France. Il était également docteur honoris causa de l'Université de Montréal, de l'Université de l'Alberta, de l'Université McGill et de l'Université Lumière de Lyon.

Gilles Cloutier laisse derrière lui sa femme Colette Michaud, leurs cinq enfants et leurs seize petits-enfants.