Elle a contribué à la refonte du système d'éducation québécois et s'est battue pour la justice sociale jusqu'à sa mort. Colette Noël, grande dame de la pédagogie québécoise, est décédée le 9 octobre à l'hôpital de Sainte-Agathe. Elle avait 87 ans.

Née à Montréal en 1926 d'une famille de professionnels, Colette Noël (née Arbour), orpheline très jeune de ses deux parents, a compris tôt l'importance de l'éducation à une époque où peu de femmes travaillaient à l'extérieur du foyer. Après avoir obtenu un baccalauréat en lettres et sciences, elle part, à 22 ans, étudier l'histoire de l'art dans l'Europe de l'après-guerre.

De retour au Québec quelques années plus tard, elle termine des études en pédagogie et fonde une maternelle dans sa maison de Beloeil. À la même période, son mari, un ouvrier agricole français qu'elle a épousé quelques mois plus tôt, décède, l'obligeant à élever seule son enfant.

Mais Colette Noël n'était pas du genre à se laisser abattre par l'adversité, se rappelle son fils André, ex-journaliste à La Presse. En dépit de sa frêle silhouette - «son père devait trouver des astuces pour la faire manger!» -, elle était dotée «d'une résilience, d'une force de caractère» sans faille, ajoute-t-il.

L'école Noël

C'est avec cette même énergie qu'elle créa en 1955 la première «école active» du Québec, une école laïque et inspirée de la pédagogie mise au point par le Français Célestin Freinet, qui prônait l'expression libre des enfants, le travail manuel et la coopération.

Avant-gardiste, cette pédagogie détonnait avec celle de l'époque, alors que le Québec nageait dans ce que les historiens surnomment «la Grande Noirceur». À l'apprentissage «peu créatif, rigoureux et reposant sur le par coeur et la punition», Colette Noël préférait l'enseignement avec «des méthodes plus actives, où les élèves ne restaient pas sur un banc à écouter la maîtresse», affirme Robert Cadotte, un ancien collègue de l'université.

Plusieurs pratiques de l'école Noël ont d'ailleurs été prises en compte dans le rapport de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement, mieux connue comme la commission Parent, dont le gouvernement Lesage s'est inspiré pour moderniser le système éducatif québécois.

Carrière académique

Après la fermeture de son école engendrée par des difficultés financières, Colette Noël est embauchée comme professeure à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal. Elle y enseigne jusqu'à sa retraite en 1991.

À la fin des années 70, elle se joint au groupe de recherche de La maîtresse d'école, formé par cinq de ses collègues, incluant Robert Cadotte, et dont l'objectif était de revoir en profondeur l'enseignement, notamment dans les milieux populaires. Mal perçus par la direction, les membres du groupe sont licenciés, à l'exception de Colette, qui était permanente, entraînant une des plus longues grèves étudiantes de l'histoire de l'université.

À sa retraite, Colette Noël n'a jamais perdu de vue les causes qui lui tenaient à coeur ni cessé ses activités, loin de là. Elle a dirigé un journal local, fait la tournée des écoles pour raconter des histoires aux enfants, organisé une collecte de livres pour une école d'Hochelaga-Maisonneuve et, récemment, mis sur pied une collecte de fonds pour Haïti.

Une cérémonie lui rendant hommage s'est tenue le dimanche 20 octobre en l'église de Val-David.