Le Dr David Hubel a marqué l'histoire scientifique en découvrant, avec son collègue Torsten Wiesel, les mécanismes du cerveau visuel.

Pendant longtemps, les scientifiques ont cru que le cerveau fonctionnait comme un écran de cinéma: les images qu'il captait étaient une projection directe de ce que l'oeil voyait. C'était avant les travaux novateurs de David Hubel, qui s'est éteint le 22 septembre dernier à l'âge de 87 ans. Avec Torsten Wiesel, son partenaire de recherche, il a découvert que le cerveau agissait plutôt comme un microprocesseur, déconstruisant et réassemblant les détails d'une image pour en faire une scène visuelle. Les fruits de leur recherche leur ont valu le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1981.

Né en 1926 à Windsor, David Hubel a déménagé à Montréal à l'âge de 3 ans. Il y a fait toute sa scolarité, entre autres à l'Université McGill où il a étudié en mathématiques et en physique. Son diplôme en poche, il décide de s'inscrire sur un coup de tête en médecine. «À mon grand effroi, j'ai été accepté», a-t-il écrit dans son résumé biographique de lauréat du prix Nobel.

En 1950, David Hubel a fait sa résidence à l'Institut neurologique de Montréal (INM) où il s'est lié d'amitié avec un autre stagiaire, William Feindel. «Il était fort sympathique, affichait une grande curiosité d'esprit et remettait souvent en question ce qu'on nous apprenait», se rappelle le Dr Feindel, 95 ans, imminent neurochirurgien et directeur émérite de l'INM. Les deux jeunes médecins avaient alors l'habitude de se réunir tard le soir au dernier étage de l'hôpital pour jouer de la musique, Feindel au violon et Hubel à la flûte. Jusqu'à sa mort, le chercheur a cultivé cette passion pour la musique. Plus tôt cette année, il s'était mis au hautbois.

Un tandem estimé

À la fin des années 50, le Dr Hubel fait la connaissance de Torsten Wiesel, un psychiatre suédois. Tous deux sont recrutés par la faculté de médecine de l'Université Harvard. Au cours des 25 années suivantes, ils forment l'un des tandems les plus prolifiques et admirés du monde scientifique. Leurs travaux ont permis de comprendre l'organisation modulaire du cortex visuel et contribué à l'émergence de l'électrophysiologie visuelle.

Ils ont aussi découvert qu'il est impératif d'opérer rapidement les nourrissons qui souffrent de strabisme ou de cataractes congénitales, faute de quoi leur vision peut être endommagée de façon permanente.

Malgré sa feuille de route impressionnante, le Dr Hubel était réputé pour sa grande modestie. «Les scientifiques ont habituellement un CV qui tient sur une cinquantaine de pages. À 80 ans passés, le sien n'en faisait qu'une demie!», se rappelle Victoria Lees, ancienne directrice des communications de l'INM.

Il avait un immense respect pour les étudiants, se rappelle Christian Casanova, directeur de l'École d'optométrie de l'Université de Montréal, qui a remis un doctorat honorifique à David Hubel en 2007. «J'ai l'impression qu'il considérait tous ceux qui travaillent sur le système visuel comme ses enfants, dit-il. Ce n'était pas par paternalisme, mais plutôt par bonheur de constater la vigueur de la relève.»

Il laisse dans le deuil ses fils Carl, Eric et Paul, et quatre petits-enfants. Sa femme, Ruth, qu'il avait rencontrée lorsqu'ils étaient membres de la chorale de McGill, est décédée en janvier.