Jean leFebure (né Lefebvre), 83 ans, artiste reconnu dans le monde des arts visuels, n'est plus. Il s'est éteint doucement dans son sommeil, le 21 mars dernier.

Sa vie aura été plus qu'originale. Né à Montréal dans un milieu modeste, fils d'une secrétaire bilingue et frère de Monique Lefebvre, une bâtisseuse du Québec moderne, il se prend très tôt d'affection pour la peinture. Cessant ses études en architecture, il commence à fréquenter le cercle des Automatistes, groupe d'artistes dissidents de Montréal actif de 1945 à 1954. Au sein de ce groupe, il fait la rencontre de Claude Gauvreau, Jean-Paul Mousseau, Marcelle Ferron et d'un certain Paul-Émile Borduas. «Il avait 17 ans, c'était le jeune du groupe, raconte Rose-Marie Arbour, sa conjointe des sept dernières années. Jean était autodidacte, il n'a jamais fait l'École des beaux-arts, ce sont Yves Lasnier, Claude Gauvreau et Borduas qui ont joué le rôle de mentor auprès de lui. Il a tout appris avec eux.»

Homme de caractère aux idées bien arrêtées, il prend à 19 ans le chemin de l'Europe pour vivre sans restriction sa liberté créatrice. En Espagne, il exposera ses toiles à Madrid où, pour la première fois, des peintures non figuratives sont montrées au grand public. Il poursuivra sa route jusqu'à Paris, où il deviendra, entre autres, libraire. «C'était particulier à l'époque d'avoir un cousin qui vivait en Europe, raconte Marc Barrière, 60 ans, son petit cousin. Il n'était pas standard. Il avait chez lui cette différence. Il nous a carrément apporté une ouverture vers la culture.»

Un enseignant influent

À son retour au Québec en 1965, c'est dans l'éducation qu'il continuera d'apporter son influence. Il enseignera deux ans à l'Université Laval. En 1970, il deviendra professeur au cégep Saint-Laurent, poste qu'il occupera jusqu'à sa retraite en 1990. «Mon père a marqué des générations d'étudiants en art. Il stimulait les vannes de l'imaginaire», raconte son fils Jérôme. Bernard Racicot, 48 ans, qui vit de la peinture, est l'un des étudiants à qui M. leFebure a transmis sa passion. «Il a eu beaucoup d'influence sur moi. Il savait ce que j'étais capable de faire. Il m'a inspiré et m'a permis de croire que je pourrais vivre de mon art.» Encore aujourd'hui, M. Racicot pense à ce professeur original et marginal lorsqu'il peint. «Ses mots me reviennent en mémoire lorsque je peins et je me souviendrai toujours de nos moments où on restait après les cours pour philosopher.»

Professionnel, l'humble artiste a quand même pratiqué son art dans l'ombre, exposant rarement. «C'est le mystère Jean leFebure. Lorsqu'on expose, on accepte le regard des autres. Ce regard, il ne l'a pas recherché. Il s'est absenté de la scène artistique durant des décennies, raconte Mme Arbour. Ce qui témoigne de sa réticence profonde à une mise à nu. Ses oeuvres étaient comme un journal intime.»

Mme Arbour et son fils Jérôme comptent réconcilier l'artiste avec ses admirateurs et souhaitent exposer les centaines d'oeuvres trop longtemps restées sur les tablettes. Pour l'instant, il est toujours possible d'admirer l'une de ses sculptures sur l'île Sainte-Hélène et sur son site internet, www.jeanlefebure.ca.

Les funérailles de Jean leFebure ont été célébrées, le vendredi 29 mars à Montréal.