Une figure marquante des arts visuels s'est éteinte le 20 février. Le céramiste Maurice Savoie est décédé à l'âge de 82 ans.

La plupart des Montréalais ont rencontré Maurice Savoie à travers ses oeuvres de céramique, même ceux qui n'ont jamais mis les pieds dans un musée. Il suffit d'être entré dans la station de métro McGill par le Centre Eaton pour avoir déjà croisé ses créations murales ornées d'animaux fantastiques.

Maurice Savoie a découvert sa passion presque par hasard. Alors que le jeune Sherbrookois accompagne son père dans un voyage à Montréal, ils font une halte à Chambly pour visiter une poterie, raconte Suzanne Boily-Savoie, son épouse. Découvrant le travail de l'artisan, Maurice Savoie s'exclame: «c'est ça que je veux faire!»

À l'École du Meuble de Montréal, ses professeurs remarquent le talent de cet étudiant discret. «À l'intérieur de cet homme sage, il y avait une créativité d'une force incroyable», se souvient Michel Dallaire, designer industriel qui a côtoyé Maurice Savoie durant un demi-siècle. Ses professeurs l'envoient se perfectionner en Italie, puis en France où il épouse Suzanne, venue le rejoindre en 1957.

De retour à Montréal, Maurice Savoie se tourne vers l'enseignement. À 27 ans, il est nommé directeur du département de céramique à l'Institut des arts appliqués de Montréal.

Au début des années 1960, il s'éloigne de l'enseignement pour se consacrer à son art, au sous-sol de sa maison du Vieux-Longueuil, transformé en atelier. «Il avait toujours hâte d'aller travailler, vérifier, tester, expérimenter dans son atelier, se rappelle Michel Dallaire. C'est là qu'il aimait être.»

Une reconnaissance internationale

Les Savoie n'ont jamais déménagé de la maison familiale. Et Maurice Savoie a créé seul dans son sous-sol pendant plus de cinquante ans. «Je me souviens de ses cuissons à haute température, il s'en dégageait l'odeur des émaux et de la terre qui cuisait à plus de 2000 degrés Fahrenheit, se remémore Olivier Savoie, le fils du céramiste. Par les interstices du four, on pouvait voir la lumière intense du feu et on sentait bien toute cette chaleur. Le lendemain, à l'ouverture du four, on pouvait admirer les pièces toutes colorées qui en sortaient après y avoir été déposées sans couleurs apparentes. J'ai toujours pensé que mon père était une espèce de magicien parce que, de la terre, du feu, de l'eau et de l'air, apparaissaient ces belles pièces.»

L'Exposition universelle de 1967 - Expo67 - permet à cet artiste discret d'exposer ses oeuvres à un public international. Avec son épouse, un travail d'équipe se met en place. Lui crée, Suzanne Boily-Savoie se charge de la préparation des expositions et des demandes de subventions. «Son épouse croyait beaucoup au travail de son mari, souligne Paul Bourassa, directeur des collections et de la recherche au Musée national des beaux-arts du Québec. On les voyait toujours ensemble.»

Dès lors, il multiplie les expositions au Québec, en Europe et aux États-Unis. Ses créations rejoignent le Musée national des Beaux-arts du Québec, le Musée canadien des civilisations, la Galerie nationale du Canada.

Celui qui refusait de considérer la céramique comme un art mineur s'est rendu aux frontières de la céramique, de l'architecture et du design. Il a même construit des machines inspirées de l'industrie, comme cet appareil qui travaillait la pâte par extrusion, avec lequel il donnait forme à ses animaux étranges, explique Paul Bourassa.

«C'était un céramiste qui dépassait la céramique», affirme Mario V. Petrone, architecte et architecte paysagiste. «Il a réussi à mixer divers matériaux incluant la céramique, mais aussi des pièces informatiques, des bouts de bois ou des objets métalliques.»

Maurice Savoie était membre de l'Académie royale des arts du Canada. Il a reçu l'Ordre du Canada, le Prix Paul-Émile-Borduas et le Prix Saidye-Bronfman d'excellence en métiers d'art.

Une cérémonie aura lieu aujourd'hui de 13 h à 17 h au salon funéraire Urgel Bourgie de la rue Saint-Laurent, à Longueuil. La Maison de la culture de Longueuil tiendra quant à elle une exposition rétrospective de la carrière de Maurice Savoie du 26 septembre au 15 décembre 2013.