Il n'était pas une star des médias. Ni un chroniqueur vedette. Il n'empêche que le décès d'Erik Izraelewicz, directeur du quotidien Le Monde, a plongé dans le deuil les communautés médiatique, politique et économique de France.

Victime d'un malaise cardiaque dans son bureau, M. Izraelewicz n'a pu être ranimé par les premiers répondants venus à sa rescousse. Il est mort dans un hôpital parisien, le 27 novembre. Il avait 58 ans.

En poste depuis à peine deux ans, le grand patron du très influent journal français a été au coeur d'une grande réorganisation. Certains retiendront qu'il a aboli, pour des raisons de logistique, près de 200 postes dans les imprimeries du journal. D'autres, qu'il est l'artisan d'un nouveau magazine baptisé M.

Offert en versions papier et web, M a permis au Monde d'attirer de nouveaux abonnés et, par le fait même, de nouveaux annonceurs.

«Sous son règne, le journal avait recommencé à bien aller. C'est dommage, car il n'aura pas eu le temps de récolter le fruit de ses efforts», explique Bernard Descôteaux, directeur du journal Le Devoir, qui reprend des textes du Monde depuis les années 50. Triste ironie du sort, M. Descôteaux avait fait connaissance avec Erik Izraelewicz, il y a à peine deux semaines lors d'un bref séjour à Paris.

«On a échangé une trentaine de minutes sur une foule de sujets, dont la politique québécoise. Le contact a été très chaleureux. C'était un journaliste de terrain, ça se voyait par les autres sujets dont nous avons discuté», explique le patron du Devoir, attristé par la nouvelle.

Natif de Strasbourg, Erik Izraelewicz était diplômé de HEC Paris (où Dominique Strauss-Kahn lui a enseigné) et du Centre de formation des journalistes de Paris. Il a commencé sa carrière comme journaliste économique à l'hebdomadaire L'Usine nouvelle. En 1981, il s'est joint au bimensuel L'Expansion. En 1985, il a participé à la fondation de La Tribune de l'économie.

Un an plus tard, en 1986, il entre au Monde, à titre de journaliste au service économie. Il gravit rapidement les échelons. En 1989, il est promu chef de son service. En 1991, on le nomme éditorialiste économique. De 1993 à 1994, il devient correspondant à New York. De 1996 à 2000, il occupera le siège de rédacteur en chef. Mais en 2000, il quitte le prestigieux journal pour joindre Les Échos, un quotidien économique.

En 2008, il mène un combat épique contre Bernard Arnault, nouveau propriétaire des Échos. Il voulait à tout prix conserver l'indépendance éditoriale du journal. Ce geste a grandement renforcé son image de journaliste intègre.

De retour au Monde, Erik Izraelewicz est nommé directeur des rédactions en février 2011. Il a recueilli 74 % des voix de la Société des rédacteurs du Monde (SRM) pour succéder à Sylvie Kauffmann.

Passionné par la Chine, ce docteur en économie a publié plusieurs ouvrages, dont deux sur l'empire du Milieu: Quand la Chine change le monde (2005) et L'arrogance chinoise (2011).

Les obsèques auront lieu cette semaine.

Avec la collaboration du Monde et du Figaro