Le spécialiste de la nutrition, Serge Renaud, qui a été l'un des premiers à démontrer les bienfaits de la consommation du vin sur la santé, s'est éteint le 28 octobre à l'âge de 84 ans dans le Médoc, en France.

En 1991, le professeur Renaud est projeté sur le devant de la scène internationale. Il apparaît dans la populaire émission américaine 60 Minutes sur CBS qui se penche sur le French Paradox : pourquoi les Français présentent-ils un taux de maladies cardio-vasculaires 3,5 fois moins élevé que les Américains alors qu'ils fument davantage et ont une alimentation riche en cholestérol et en mauvais gras, comme le beurre, le fromage ou le foie gras?

Pour Serge Renaud, la consommation régulière et modérée de vin est une explication. Ces déclarations ont un impact retentissant en Asie et en Amérique du Nord. Les exportations de vin français vers les États-Unis doublent de 1994 à 1998.

« Ç'a été le point de départ de nombreuses recherches qui ont confirmé celles du professeur Renaud «, explique Dr Dominique Lanzmann-Petithory, médecin hospitalier, chercheuse, collaboratrice et amie de longue date de M. Renaud.

Les années à Montréal

Serge Renaud naît en 1927 à Cartelègue, petit village viticole du Bordelais, et passe ses vacances dans les vignobles de ses grands-parents.

Il commence des études de médecine en France, mais émigre à Montréal en 1951 avec son cousin. Pour payer ses études, il occupe divers emplois : aiguilleur ou encore bûcheron dans les Laurentides.

« Au Québec, il remarque le taux élevé d'infarctus chez les jeunes joueurs de hockey. Comme les Québécois et les Français partagent les mêmes gênes, il en a déduit que ce devait être un facteur d'environnement, raconte le Dr Lanzmann-Petithory.

Il remarque aussi les différences dans les habitudes alimentaires. Les Québécois mangent peu de fruits, ne boivent pas de vin et ont un régime élevé en gras saturé. C'est ce qui lui a donné l'envie d'étudier l'impact de l'alimentation sur la santé. «

Il entreprend alors des études vétérinaires, passage obligé à l'époque pour étudier en nutrition, et travaille par la suite avec Hans Selye, pionnier des études sur le stress à l'Université de Montréal.

Il retourne ensuite à sa passion première, la nutrition et ses effets sur le coeur et prend la direction d'une unité de recherche à l'Institut de cardiologie de Montréal.

Il s'intéresse à la thrombose, un caillot de sang, et découvre qu'elle peut provoquer un infarctus du myocarde.

Au début des années 70, Serge Renaud retourne en France pour se rapprocher de ses parents malades.

Le régime crétois

De retour en France, il s'intéresse au lien entre l'alimentation et l'agrégation des plaquettes sanguines qui provoque la formation de caillots.

Les plaquettes de sang doivent être étudiées très rapidement. Il met alors au point une caravane-laboratoire et se déplace dans les villages de France mais aussi de Belgique et d'Écosse pour comparer alimentation et santé.

Des études montrent que les Crétois ont un taux de maladies coronariennes bien plus faible qu'ailleurs. Il décide de monter au milieu des années 80 une importante étude d'intervention sur des populations ayant déjà été victime d'un infarctus du myocarde.

Le premier groupe reçoit un régime crétois : beaucoup de fruits, de légumes, de céréales et peu de viande, pas de lait et le beurre est remplacé par de la margarine de canola.

Le second groupe suit un régime classique. Le nombre de rechutes chez les patients suivant le régime crétois a diminué de 75 %.

«Les résultats étaient si probants que l'étude est arrêtée prématurément pour que le deuxième groupe et le public y aient accès», explique Dr Lanzmann-Petithory.

Parallèlement, il poursuit ses études sur les effets de l'alcool et sur les maladies cardio-vasculaires et démontre que les polyphénols contenus dans le vin ont des propriétés antioxydantes qui fluidifient le sang et empêchent les caillots de se former.

Serge Renaud a pris sa retraite aux débuts des années 2000 et s'est installé dans un petit village du Médoc.

Il laisse dans le deuil sa fille Louise et ses deux petits-enfants, Axelle et Romain.