(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau a souligné mardi le 150e anniversaire de la Gendarmerie royale du Canada en reconnaissant les erreurs commises par le corps policier fédéral dans le passé et en exprimant l’espoir d’un changement.

La GRC a prévu des évènements mardi et tout au long de l’année qui, selon la police fédérale, visent à démontrer la fierté, mais aussi l’humilité et les efforts de réconciliation.

Dans une déclaration, le premier ministre a encouragé les Canadiens à participer à ces évènements, qualifiant la GRC de l’une des organisations policières les plus respectées au monde.

Mais il a également exhorté la GRC à maintenir ses plans d’amélioration et de changement.

« Alors que nous célébrons cet anniversaire important, nous reconnaissons que les erreurs du passé ne peuvent pas être oubliées, mais qu’il est possible d’en tirer des leçons, indique M. Trudeau. La GRC continuera de soutenir la guérison et la réconciliation, tout en continuant à assurer la sécurité de nos communautés, aujourd’hui et à l’avenir. »

Le commissaire par intérim de la GRC, Mike Duheme, a affirmé dans sa propre déclaration que l’anniversaire « nous appelle à refléter qui nous sommes, d’où nous venons et où nous allons sur la base de 150 ans de leçons apprises ». Il a dit que la GRC a joué un rôle dans « certains des moments les plus difficiles et les plus sombres du Canada » et a fait face à sa part de défis.

Il a de plus remercié les plus de 30 000 employés de la force à travers le Canada pour leurs contributions, notant que la vie quotidienne des policiers peut être difficile, mais peut aussi changer des vies. « C’est un privilège incroyable que nous ne devrions jamais tenir pour acquis. »

Dans un communiqué, le corps policier indique qu’il prévoit profiter de ce 150e anniversaire pour partager les efforts de la GRC visant à créer une organisation plus moderne qui s’engage dans une réconciliation authentique avec les peuples autochtones et assure la sécurité de tous les Canadiens.

La GRC vante également son plan stratégique pour 2023 visant à « renforcer la confiance envers le travail des policiers », bien que le plan n’entre pas dans les détails.

Au fil des décennies, des enquêtes et des commissions ont fait des suggestions pour réformer le service de police.

Les agents de la « police montée » ont joué un rôle majeur dans l’histoire du Canada, tentant de maintenir l’ordre pendant la ruée vers l’or du Klondike et servant de principale agence de renseignement du Canada pendant la guerre froide.

Mais la GRC a également joué des rôles plus sombres au cours du dernier siècle et demi, notamment en réprimant les soulèvements autochtones et en agissant comme des « policiers de l’école buissonnière » pour faire respecter la fréquentation des pensionnats fédéraux pour Autochtones.

Dans le cadre de son mandat, la GRC prend désormais en charge les services policiers nationaux et ruraux à des degrés divers à travers le Canada – un modèle qui a suscité des critiques parce qu’il dessert mal les communautés éloignées.

Le plan stratégique de la GRC comprend le recrutement de personnes d’horizons divers et la lutte contre le racisme systémique, en étant plus transparent sur les évènements graves et en améliorant les efforts de réconciliation avec les peuples autochtones.

La GRC prévoit de célébrer son 150e anniversaire avec des évènements à travers tout le pays. Des performances équestres du Carrousel de la GRC, des barbecues et des évènements communautaires sont au programme.

L’histoire de la « police montée »

Lorsque les pères de la fédération ont conçu un service de police fédéral, il ne s’agissait que d’une mesure d’urgence, pour faire appliquer rapidement les lois canadiennes dans une vaste région qu’on appelait alors les « Territoires du Nord-Ouest » — plus vaste que l’actuel territoire de ce nom.

Le jour où le Parlement a voté la création de ce service de police fédéral, il y a 150 ans, le 23 mai 1873, est maintenant reconnu comme la naissance officielle de ce qui allait devenir plus tard la « Gendarmerie royale du Canada ».

Mais une première grande affaire criminelle, des mois plus tard, a véritablement donné le coup d’envoi à la longue et parfois douloureuse histoire de ce corps policier.

Au printemps 1873, une famine avait poussé un groupe de la première nation Nakoda à s’aventurer au sud de leur territoire traditionnel, vers Cypress Hills, dans ce qui est aujourd’hui le sud de la Saskatchewan.

Ils campaient non loin de marchands de whisky lorsqu’ils rencontrèrent un groupe de chasseurs de loups américains qui s’étaient fait voler un cheval.

« Les accusations des chasseurs envers les Nakodas, qui sont innocents, mènent au conflit. La situation dégénère et prend des proportions démesurées et incontrôlables, au point où les chasseurs tuent cruellement les Nakodas », lit-on dans le compte rendu en ligne du gouvernement sur le « massacre de Cypress Hills ». Une vingtaine d’hommes, de femmes et d’enfants sont tués.

Aux premiers jours de la fédération canadienne, en 1867, les premières provinces à en faire partie étaient chacune responsables de leurs propres services de police. Les seuls policiers nationaux, la « Police du Dominion », étaient principalement chargés de protéger les édifices du Parlement.

Lorsque les « Territoires du Nord-Ouest » de l’époque ont été intégrés à la fédération, en 1870, cette vaste région administrative comprenait l’actuel Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et une grande partie des Prairies.

Or, ces « Territoires du Nord-Ouest » de l’époque, qui n’avaient pas le statut de province, ne disposaient pas de leur propre corps policier. Le Parlement canadien a alors adopté une loi pour créer la « Police à cheval du Nord-Ouest », trois ans plus tard, en mai 1873 — il y a 150 ans aujourd’hui.

Ce n’est cependant qu’en août 1873, lorsque la nouvelle du « massacre de Cypress Hills » est parvenue à Ottawa, qu’un décret a été signé pour établir le corps policier. Un an plus tard, 300 recrues ont entrepris la « marche vers l’Ouest » pour sécuriser la frontière.

La GRC et le gouvernement canadien conviennent que le massacre de Cypress Hills a stimulé la création du service de police fédéral. Et bien que des arrestations aient été effectuées à l’époque, les auteurs des crimes n’ont jamais été traduits en justice dans le cadre d’un système judiciaire en plein essor dans une fédération naissante.

Le rôle du corps policier a continué d’évoluer jusqu’à la création en 1920 de la forme moderne de la GRC, qui est depuis longtemps devenue un symbole emblématique du Canada.