Dans les dernières années, des dizaines de milliers de migrants sont entrés au Canada par le chemin Roxham dans l’espoir d’y trouver une vie meilleure. Or, ce système toléré est maintenant chose du passé. Que signifie la fermeture soudaine de ce passage controversé ?

Quel sort est réservé aux migrants qui tenteront tout de même de mettre les pieds au Canada ?

Les personnes qui tentent d’entrer au Canada seront arrêtées et peuvent être renvoyées aux États-Unis. Certaines personnes craignent que les migrants « soient mis en détention automatique » après avoir été renvoyés au sud de la frontière, indique la professeure à la faculté de droit de l’Université McGill spécialisée en droits de la personne Pearl Eliadis. « Mais pour le moment, on est vraiment dans un néant en termes de détails », renchérit le directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire de l’UQAM, François Audet.

Est-ce que certains migrants pourront continuer d’emprunter le chemin Roxham ?

Oui. Les enfants mineurs non accompagnés et les migrants qui ont de la famille établie au Canada ne seront pas renvoyés aux États-Unis. « Ça devient compliqué de démontrer des liens familiaux au poste frontalier pour des populations qui ont souvent très peu de papiers officiels. Ça nous mène sur un terrain très glissant », note toutefois M. Audet.

Les migrants qui sont interceptés au Canada dans les 14 jours après avoir franchi la frontière seront refoulés vers les États-Unis. Mais si l’un d’entre eux est intercepté 15 jours après son arrivée, pourra-t-il demeurer au Canada ?

Possiblement. Or, cela implique que des migrants entrés clandestinement au Canada « devront se cacher » pendant les deux premières semaines, dit M. Audet. « Ça va mettre en position très difficile des populations déjà vulnérables qui vont voir là-dedans sûrement un effet un peu terrorisant. Pour le moment, en termes d’accueil, même si c’était loin d’être parfait, personne n’avait des menottes aux poings », dit-il.

Le Canada acceptera 15 000 demandeurs d’asile supplémentaires pour compenser la fermeture du chemin Roxham. Est-ce suffisant ?

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Le chemin Roxham

« Je suis inquiet. On va atteindre 15 000 personnes en avril. Qu’arrivera-t-il avec tous les autres qui n’y auront pas accès ? », se questionne M. Audet. En 2022, près de 40 000 migrants avaient emprunté le chemin Roxham. « Et les chiffres actuels nous amenaient à presque 50 000 cette année », ajoute-t-il.

Est-ce que la fermeture du chemin Roxham risque d’entraîner l’ouverture de nouveaux chemins illégaux ?

Oui. Il est impossible d’empêcher physiquement les gens de traverser tout autre point de la frontière, estime Mme Eliadis. « Il est à prévoir qu’il y aura d’autres petits chemins Roxham qui vont apparaître ou d’autres endroits qui vont être des canaux clandestins », renchérit M. Audet, qui s’attend à en voir surgir « dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois ». Sans le chemin Roxham, « on va favoriser le marché noir, ce qui va peut-être favoriser le travail au noir ou l’hébergement au noir. Ces populations auront donc encore plus de difficulté à s’intégrer et seront encore plus vulnérables à des violations de leurs droits », dit-il.

Pourquoi le chemin Roxham n’était-il pas illégal ?

Depuis 2004, une personne qui veut obtenir le statut de réfugié au Canada ou aux États-Unis doit présenter sa demande dans le premier des deux pays où elle met les pieds. Cette « Entente sur les tiers pays sûrs » s’appliquait seulement aux postes frontaliers et aux arrivées par train. Pour la contourner, des milliers de demandeurs d’asile empruntaient donc des passages irréguliers, comme le chemin Roxham. Or, depuis vendredi, cette entente s’applique à toute la frontière terrestre. Ce changement permet désormais aux autorités de refouler les personnes qui passent par le chemin Roxham.

Comment les migrants réagissent-ils à la fermeture du chemin Roxham ?

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Fermeture du chemin Roxham, à minuit le 25 mars 2023. Tous les migrants qui tentent de traverser la frontière depuis cette date seront arrêtés et refoulés aux États-Unis, en fonction de l’Entente sur les tiers pays sûrs.

« Il y a beaucoup d’inquiétude en ce moment. Les gens sont dans le néant. À l’heure actuelle, des milliers de personnes migrent, et c’est un gros point d’interrogation qui les attend », dit M. Audet. Le spécialiste souhaite que le gouvernement soit beaucoup plus clair dans ses prochains messages. « Il faut s’adresser aux populations migrantes pour qu’elles ne fassent pas des milliers de kilomètres pour rien », dit-il.

La fermeture du chemin Roxham est-elle une solution durable ?

« Le chemin Roxham est un petit problème dans une crise internationale », dit Mme Eliadis. Selon la spécialiste en droits de la personne, la fermeture de ce passage est un « manque de générosité et de compréhension ». « Il n’y a personne qui veut quitter son pays, sa famille, son emploi et son entourage, dit-elle. Les gens viennent parce qu’ils perçoivent qu’ils n’ont pas le choix. »