(Ottawa) La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, aurait confronté son homologue chinois concernant les allégations selon lesquelles les émissaires de Pékin pourraient s’ingérer dans la politique canadienne.

Mme Joly s’est entretenue cette semaine avec le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, lors de la rencontre ministérielle des pays du G20 à New Delhi. La ministre canadienne aurait signifié à son vis-à-vis chinois que le Canada n’accepterait pas que Pékin se mêle de la démocratie canadienne.

« Le Canada ne tolérera jamais [une] quelconque forme d’ingérence étrangère dans notre démocratie et nos affaires intérieures par la Chine », aurait dit Mme Joly, selon un compte rendu que son cabinet a publié vendredi sur Twitter, après que les médias ont évoqué la conversation.

« Nous n’accepterons jamais [une] quelconque atteinte à notre intégrité territoriale et à notre souveraineté. Nous n’accepterons jamais [une] quelconque violation par des diplomates chinois de la Convention de Vienne en sol canadien », aurait dit la ministre canadienne à son homologue chinois.

« Allégations non crédibles », affirme Pékin

Le gouvernement libéral subit des pressions depuis quelques semaines pour qu’il explique ce qu’il fait à propos de l’ingérence étrangère présumée lors des deux dernières élections fédérales, en 2019 et 2021. Des cas présumés d’ingérence ont été révélés dans des reportages récents basés sur des fuites provenant de sources de sécurité.

Des responsables canadiens qui étaient à New Delhi lors de cet échange ont déclaré que Mme Joly avait approché M. Qin et que leur discussion avait duré une vingtaine de minutes.

L’agence de presse chinoise Xinhua a rapporté de son côté que le ministre Qin avait réprimandé Mme Joly pour ne pas avoir condamné les reportages de Global News et du Globe and Mail sur l’ingérence.

Le média d’État chinois rapporte que M. Qin avait dit à Mme Joly que ces allégations n’étaient pas crédibles et qu’elle ne devrait pas laisser « les rumeurs » faire dérailler la relation bilatérale entre les deux pays.

Selon le cabinet de la ministre canadienne, Mme Joly a dit à son homologue Qin qu’Ottawa ne permettra pas aux diplomates chinois de violer les accords internationaux qui empêchent les émissaires de s’ingérer dans la politique de l’État où ils sont en poste.

Dans sa déclaration, Mme Joly soutient qu’elle a été « directe, ferme et sans équivoque » dans ses propos, basés sur la Stratégie indo-pacifique que les libéraux ont publiée l’automne dernier. Cette nouvelle stratégie prévoit de nouer des liens avec d’autres pays pour contrebalancer l’influence croissante de la Chine.

Mme Joly précise dans sa déclaration qu’il s’agissait de leur première conversation depuis que M. Qin a été nommé à ce poste en décembre dernier, et que les deux ministres avaient convenu de « garder les canaux de communication ouverts ». La ministre Joly avait déjà discuté avec le prédécesseur de M. Qin en novembre dernier, lors du sommet des leaders du G20 à Bali, en Indonésie.

La Russie

La conversation de cette semaine a eu lieu en marge de la rencontre des ministres des Affaires étrangères du Groupe des 20 pays industrialisés et en développement. La rencontre ministérielle s’est terminée jeudi sans consensus sur la guerre en Ukraine.

Selon un compte rendu de la réunion de jeudi publié par l’Inde, la Chine et la Russie, membres du G20, se sont opposées à deux paragraphes tirés de la précédente déclaration du sommet de Bali.

Ces deux paragraphes stipulaient que la guerre en Ukraine causait d’immenses souffrances humaines tout en exacerbant les fragilités de l’économie mondiale. Elle rappelait aussi la nécessité de faire respecter le droit international et réitérait que « l’utilisation ou la menace d’utilisation d’armes nucléaires » était « inadmissible ».

Le cabinet de Mme Joly a déclaré que lors des réunions à huis clos, elle avait réprimandé la Russie pour son invasion et le chaos qu’elle avait provoqué dans les chaînes d’approvisionnement alimentaires et énergétiques mondiales — ce qui équivaut à une « attaque en règle contre les populations les plus vulnérables du monde ».

Selon son cabinet, Mme Joly a invité son homologue russe, Sergueï Lavrov, à « cesser de détenir en otages les plus vulnérables du monde ».