(Ottawa) La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) demande aux députés libéraux récalcitrants de se rallier au projet de loi C-13 pour moderniser la Loi sur les langues officielles. Une dizaine d’élus québécois sont prêts à voter contre même s’il s’agit d’une promesse électorale parce qu’ils estiment que les amendements adoptés par les partis de l’opposition dénaturent le texte législatif.

« On continue d’appeler à l’unité de tous les parlementaires pour que ça passe parce que pour nous il n’est pas question que ce projet de loi ne passe pas. Ça serait vraiment catastrophique pour l’avenir du français qui est déjà en déclin », a réagi la présidente de la FCFA, Liane Roy, en entrevue.

La référence à la Charte de la langue française dans le projet de loi C-13 irrite des députés libéraux du Québec qui y voient une atteinte aux droits de la minorité anglophone du Québec. Elle était déjà mentionnée dans le préambule, mais durant l’étude du texte législatif en comité parlementaire, le Bloc québécois a présenté un amendement pour l’ajouter dans un article afin de reconnaître que « le français est en situation minoritaire au Canada et en Amérique du Nord en raison de l’usage prédominant de l’anglais et que la Charte de la langue française du Québec vise à protéger, à renforcer et à promouvoir cette langue ».

Le député libéral Anthony Housefather a tenté de faire adopter un autre amendement au début du mois pour éliminer toute référence à cette loi québécoise, sans succès. Il estime qu’elle bafoue les droits de la minorité anglophone du Québec. Il a déjà signifié son intention de voter contre C-13 dans sa mouture actuelle à l’instar du ministre Marc Miller et de la députée Emmanuella Lambropoulos, même si le gouvernement Trudeau maintient qu’il doit déployer plus d’efforts pour protéger le français au Québec et dans l’ensemble du pays.

Il faut que ce projet de loi passe parce que si on retourne en arrière, nous ça fait six ans qu’on travaille là-dessus, qu’on pousse, qu’on recommande, qu’on y consacre énormément d’efforts.

Liane Roy, présidente de la FCFA

La FCFA se retrouve en quelque sorte coincée entre l’arbre et l’écorce. Elle hésite à se prononcer sur l’inclusion de la Charte de la langue française du Québec dans le projet de loi fédéral sur les langues officielles.

« Pour nous, le projet de loi garantit toujours l’égalité réelle des deux minorités de langues officielles, soit les francophones à l’extérieur du Québec et les anglophones au Québec, fait-elle valoir. La seule différence, c’est que le projet de loi énonce qu’il faut des mesures spécifiques à chaque communauté pour atteindre cette égalité-là. »

La FCFA craignait tout de même un ressac envers la francophonie après l’adoption par l’Assemblée nationale en 2022 de la réforme de la Charte de la langue française (loi 96), qui en fait la langue officielle et commune du Québec. L’organisme s’était dit préoccupé par le recours croissant à la disposition de dérogation.

Plusieurs libéraux estiment qu’une province anglophone pourrait à son tour recourir à la « clause dérogatoire » pour imposer l’anglais dans les institutions fédérales sur son territoire, ce qui nuirait aux minorités francophones et acadienne.

Mélanie Joly s’abstient

Appelée à commenter la fronde des députés montréalais jeudi, la ministre Mélanie Joly s’est gardée de les critiquer. Celle qui a été l’architecte du projet de loi sur les langues officielles a rappelé que les minorités linguistiques jouissent de protections constitutionnelles.

« On l’a dit dans le discours du Trône de 2019, le français est une langue minoritaire qui est une langue que l’on doit protéger, et je vais toujours être là comme une alliée des francophones qui veulent défendre leur langue », a-t-elle plaidé par visioconférence de Cracovie, en Pologne, jeudi.

« En même temps, le Canada a un système d’obligations constitutionnelles en matière de langues officielles, et on doit être capable de respecter les minorités linguistiques », a ajouté l’ancienne ministre des Langues officielles, qui avait démarré le chantier de la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Elle n’a pas voulu qualifier les propos tenus en comité par ses collègues de l’île de Montréal, dont le député franco-ontarien Francis Drouin avait dénoncé la semaine dernière le « show de boucane honteux » risquant de faire dérailler le cheminement du projet de loi C-13.